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qu’ami, séduisant dès l’abord, et même après coup. » Beaucoup d’étrangers, — d’étrangers parlant allemand, — ont, depuis quarante ans, à propos de la France, crié à la décadence. M. Barrett Wendeil croirait nous faire injure en posant seulement la question, à laquelle tout son livre répond. Ceux-là seuls peuvent croire à la décadence de la France qui, ayant intérêt à y croire, prennent leurs désirs pour la réalité et oublient de regarder la vie française. M. Barrett Wendell, qui, lui, l’a longuement regardée, sait combien elle est saine, et nos défauts mêmes, qu’il ne se dissimule point, ne lui inspirent aucune inquiétude pour l’avenir. A entendre nombre de nos démocrates, par exemple, ils ne tendraient à rien de moins qu’à créer une classe de privilégiés à rebours. « Mais ce but est loin d’être atteint. On s’en rend compte, en voyant, par toute la France, la pérennité de l’élite. On s’en rend compte, en constatant la fixité des cadres sociaux. On s’en rend compte, en constatant la beauté de la vie familiale française. On s’en rend compte, en voyant comment, au sein de toutes les classes, le respect de la hiérarchie se conserve, et comment toutes transmettent à leurs enfans les traditions ancestrales. La conséquence dernière de la doctrine démocratique, — la suprématie arbitraire des classes inférieures, — si généreuse qu’elle soit dans son origine, si agréable qu’elle soit aux convictions ardentes, est une chose qui ne semble pas encore près d’être acclimatée en France. Car les résultats pratiques d’une doctrine qui voudrait substituer un idéal égalitaire au vieil idéal du mérite, seraient utopiques ou barbares, ou les deux à la fois. Et il n’est personne, connaissant la France contemporaine, qui puisse la croire capable d’errer, au point de devenir le pays de l’utopie ou de la barbarie. »

M. Barrett Wendell va plus loin encore. Il regrette la politique sectaire et agressive que le régime républicain pratique depuis tant d’années ; mais il croit et il espère que cette politique de parti n’est pas loin d’avoir fait son temps. « Dans l’état actuel des choses, dit-il, on ne discerne pas la raison pour laquelle une politique de plus cordiale confiance mutuelle, de sympathie plus magnanime ne se montrerait pas compatible avec l’habileté aussi bien qu’avec la générosité. La France, à vrai dire, apparaît encore, à l’heure actuelle, comme le pays des antagonismes irréconciliables. Toutefois, il me semble qu’elle