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qui est vrai, aujourd’hui encore. Même à l’heure actuelle, elle se présente, à ses partisans aussi bien qu’à ses adversaires, non pas tant comme un gouvernement national établi, que comme un parti politique, occupant temporairement le pouvoir. »

Cette instabilité, ces querelles politiques sembleraient devoir être fort préjudiciables à la prospérité générale du pays. Or, il n’en est rien, et l’observateur impartial peut en être étonné ; mais il est bien forcé de conclure que la politique n’a pas en France l’importance capitale qu’on serait tout d’abord tenté de lui attribuer. Même aux plus mauvais jours de la Révolution, la vie française n’avait guère changé. Et aujourd’hui… Mais laissons sur ce point s’expliquer directement M. Barrett Wendell : « Si celui qui voyage en France, écrit-il, considère de ce point de vue l’aspect de cette nation, dans la trente-septième année de la troisième République, il échappera difficilement à l’impression que ce pays est prospère entre tous. Évidemment, d’autres peuples peuvent sembler plus agressivement entreprenans. Vous pourrez peut-être rencontrer ailleurs un esprit d’initiative plus développé chez les commerçans et les industriels. Vous pourrez peut-être remarquer plus de mouvement, mais nulle part vous n’éprouverez une impression plus évidente de bien-être solide et substantiel. Depuis les Flandres et la Normandie jusqu’à la Provence, et de l’Atlantique jusqu’aux Alpes, où que vous alliez, vous verrez moins de pauvreté, moins de paresse, moins de misère que vous n’en constaterez, n’importe où, dans le monde entier. » Et assurément, le facteur essentiel de cette prospérité nationale, c’est le peuple, non le régime, un peuple « robuste, intelligent et économe. » « Mais nulle vigueur, nulle intelligence, nulle parcimonie chez un peuple ne pourraient avoir tout leur rendement, si le pouvoir, dans l’ensemble, ne lui était pas salutaire. » Et n’est-ce pas là le bon sens même ?

Un peuple robuste, intelligent et économe, assez divisé sans doute au point de vue politique, mais resté profondément, religieux et idéaliste, foncièrement sérieux d’ailleurs et doué d’une forte vie familiale : telle est l’image qu’après une enquête loyale et consciencieuse s’est formée de la France d’aujourd’hui un écrivain américain, qui s’est donné pour tâche de « comprendre, avec le plus de sympathie possible, la nature d’un peuple étranger, passionnément intéressant, étranger, bien