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fidèle des devoirs domestiques qui sont, eux aussi, de nature délicate. « En France, une honnête femme n’est pas seulement une bonne épouse, elle reste ce qu’adolescente elle était, une fille modèle, profondément attachée à sa famille d’origine. Elle est une bonne sœur et une amie fidèle envers ceux à qui les liens du sang l’attachent, et aussi envers ceux que le mariage a introduits dans sa parenté et lui a rendus aussi chers que s’ils étaient, de par la nature, ses consanguins. Elle est une bonne mère plus absolument encore, chérissant de la plus pure des passions humaines les enfans qu’elle a mis au monde. Et ses obligations envers ces derniers, aussi bien qu’envers leur père, lui imposent d’être une bonne maîtresse de maison, ne négligeant jamais les détails monotones de son activité quotidienne. Ce devoir infini, minutieux, prosaïque est la condition de toute son existence, et elle l’accomplit de sa jeunesse à sa vieillesse, oublieuse d’elle-même, heureuse et souriante. Car ce n’est pas la moindre de ses croyances de penser qu’elle doit rendre la vie agréable à ceux qui, autour d’elle, la partagent. Manquer à quelqu’une de ces règles serait manquer à ce que se doit une honnête femme... »

J’ai tenu à citer toute cette page, d’abord parce qu’elle est bien finement pénétrante ; et puis, parce qu’elle nous venge de toutes les sottises que, sur ce thème de la légèreté féminine en France, on a débitées outre-Rhin, et aussi ailleurs.


IV

M. Barrett Wendell se trouve ainsi amené à poser une question assez délicate, et même fort « embarrassante, » mais que sa courtoise franchise se garderait bien d’éluder. « Au moins en Amérique, nous dit-il, les Français sont tenus pour frivoles et dénués de principes. » Or, c’est tout le contraire qu’il a constaté et consciencieusement noté. D’où vient cette étrange contradiction entre le préjugé « anglo-saxon » et la réalité de la vie française ?

Tout d’abord, il convient, d’après l’écrivain américain, d’écarter les raisons superficielles et accessoires : les impressions presque toujours fausses et sans portée, les généralisations hâtives de touristes rapides et distraits ; et, pareillement, les jugemens un peu sévères auxquels pourrait conduire la vue de certaines publications soi-disant très « parisiennes, » et qui