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notion que l’objet et la fin de toute science étaient uniquement la collection méthodique des faits. Personne ne voudrait pour un instant soutenir que cette erreur prévaut parmi les esprits les plus remarquables de l’Allemagne. Peu cependant peuvent nier qu’elle domine les esprits des Américains qui, ayant étudié en Allemagne, reviennent dans la mère patrie n’étant plus du tout Américains, n’étant pas non plus profondément Allemands... L’influence sans contrepoids de la France peut peut-être d’autre part tendre vers une systématisation prématurée. Mais les esprits américains, à l’heure présente, semblent très peu exposés à ce danger. Si les intelligences de nos étudians, qui se proposent de consacrer leur existence à l’enseignement, multipliaient les contacts avec l’activité et l’intelligence de la science française actuelle, les Universités américaines de l’avenir auraient chance d’être plus riches en connaissances, et, d’autre part, de devenir des milieux plus vivans qu’elles ne le sont, semble-t-il, aujourd’hui. »

Il n’est personne, après la guerre, en Amérique, — sauf parmi les Germano-Américains, — qui ne soit amené à partager cette manière de voir. Sachons, nous, Français, profiter de ces dispositions nouvelles.


II

M. Barrett Wendell ne s’en est pas tenu à ces observations d’ordre purement universitaire et pédagogique. Esprit remarquablement ouvert, curieux et délié, devenu, pour un temps, un rouage défini, régulier, un membre agissant de la communauté française, — ce qui est une condition admirable pour la bien voir à l’œuvre et pour la comprendre, — il s’est efforcé d’en pénétrer la structure, d’en démêler les principes directeurs et les secrets ressorts. Et, comme on va voir, les découvertes qu’il a faites au cours de son voyage d’exploration ne sont pas sans importance.

Et d’abord, M. Barrett Wendell a découvert la bourgeoisie française. En général, les étrangers, qui vivent comme en marge de la vraie vie française, ne connaissent guère cette espèce sociale, très particulière, qui s’appelle le bourgeois français. Les milieux qu’ils fréquentent, milieux d’affaires ou de plaisirs, milieux mondains ou demi-mondains, milieux