étonnés que les Jésuites, issus des Universités, aient été de si grands missionnaires. Ils demeuraient fidèles à leur mission d’embrasser le monde moderne et de le défendre contre tous les retours du naturalisme et du paganisme. Ils baptiseront les sauvages comme ils expurgeront les auteurs profanes.
Les Moluques renfermaient toutes les espèces de sauvages, depuis celle dont le type est plus près du nôtre que celui des Malais et des Chinois, jusqu’au type bestial du Papou. Leur couleur allait du jaune cannelle au noir. Il y en avait d’inoffensifs ; il y en avait de féroces. C’étaient des enfans aux Célèbes, des anthropophages à Bornéo. Il y en avait dont l’abjection était telle que les missionnaires reculèrent, non de peur, mais de désespoir. Ceux que vit François offraient, encore quelque prise. Il les chercha d’abord dans les montagnes d’Amboine et dans l’île voisine de Ceram. Il ne voyageait point comme les Portugais, en palanquin, aux cris assourdissans des porteurs. Il allait à pied, traversant les rivières et les marais, escaladant les ravins, se frayant un chemin dans les broussailles épineuses où des nuées de moustiques le harcelaient. On campait avant le coucher du soleil, dont la disparition est suivie si brusquement de la chute des ténèbres. On se hâtait de dresser un petit toit de feuillage. A défaut de tigres et de panthères, on avait à se défier de ceux que l’on cherchait, des Alforous, grands chasseurs de têtes. Dans certains villages une tête humaine bien coupée avait le même prix et l’a encore que jadis une chevelure chez les Iroquois ; et le jeune guerrier qui courtise une fille ne saurait lui offrir un plus beau présent de fiançailles. François les croyait cannibales. D’autres voyageurs prétendent qu’ils ne le sont pas, qu’ils jettent les corps décapités ; mais ils rapportent les têtes au village en soufflant dans leurs conques, et, avant d’être montées en trophées, on les abandonne aux enfans qui y sucent du courage. Ceram, où il resta peu de temps, était déjà un séjour très dangereux. A Ternate, on considéra comme une folie son désir de visiter l’île du More. Les sauvages avaient la réputation d’y être plus farouches que partout ailleurs, et surtout depuis que les Mores les avaient excités contre les Portugais. Ils avaient tué deux prêtres qui s’étaient risqués chez eux. Quand ils n’égorgeaient pas les étrangers, ils mêlaient à leurs alimens des poisons infaillibles. François répondit aux objurgations de ses amis qu’il était nécessaire que