Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 33.djvu/121

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des Malais. Il embellit et purifia leurs villes. Il en attira un assez grand nombre à la foi du Christ ; il. convertit même un Arabe. Et, bien qu’il eût abattu des pagodes, les indigènes l’appelaient « le père des peuples. » Instruit, lettré, d’une probité scrupuleuse, il finit mal. Les petits rois des Moluques avaient demandé qu’on le leur laissât toute sa vie. On s’empressa de le leur enlever. Ne s’étant point enrichi, il s’endetta. De retour à Lisbonne, ses vertus le conduisirent à l’hôpital. François aurait pu l’y rencontrer, soignant les malades, du temps qu’il cherchait à se renseigner sur les Indes. On aurait dû le lui présenter. Mais la figure de ce pauvre diable d’honnête homme ne servait point d’enseigne. Quand il mourut, le suaire où on le roula fut donné par une confrérie charitable. Il laissait deux livres, une Histoire des Moluques aujourd’hui perdue, et un Traité des Découvertes dans l’Inde, où il parle de lui comme d’un étranger, mais avec une noble fierté. On eût souhaité que François reconnût d’un mot le mérite de Galvano, son devancier, qui, le premier, avait eu l’idée de fonder des séminaires dans les Indes. Peut-être ne restait-il plus aucune trace de son passage.

A Amboine, où l’apôtre s’arrêta d’abord, ce furent surtout les gens d’Europe qui l’occupèrent. Pendant qu’il y était, des vaisseaux espagnols arrivèrent, escortés de vaisseaux portugais. Deux ou trois ans plus tôt, une Armada de la Nouvelle-Espagne avait pénétré, à Ternate, dans les eaux portugaises, par suite d’avaries ou simplement par bravade. Le roi d’Espagne l’avait désavouée ; mais, pendant qu’on attendait sa réponse, Espagnols et Portugais s’étaient battus, puis alliés pour battre les indigènes ; et maintenant, ils s’en retournaient aux Indes, d’où les chefs espagnols seraient expédiés chez eux. ils se chamaillaient toujours, et le rivage d’Amboine, où le Portugal ne possédait qu’un fortin, retentissait du tumulte de ces conquistadors efflanqués. « J’eus un grand travail spirituel, » dit François. Il eut en effet beaucoup de passions à calmer, d’âmes à tranquilliser, de mourans à assister, de morts à ensevelir. Il pourvut à tout, et sa charité fut contagieuse. Le sentiment d’admiration qu’il inspirait faisait plus que ses prêches et ses catéchismes : on s’amendait un peu pour ne point le contrister. Parmi les Espagnols, il y avait un prêtre de Valence, Cosme de Torrès, qui, depuis longtemps déjà, courait le monde, une de ces natures inquiètes que les vents et les courans se passent et