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ceux dont la santé ne vaut pas leur courage et leur intelligence, qu’ils viennent aussi. A Goa et à Cochin, la vie leur sera douce. Tout y abonde, même les médecins. Que cette lettre est pressante, mais qu’elle renferme d’erreurs ! François est convaincu que l’instruction et l’esprit ne sont pas utiles au missionnaire. ils ne sont inutiles à personne ; mais, s’ils ne sont pas absolument nécessaires à un curé campagnard qui sent naturellement comme ses ouailles, ils sont indispensables à l’homme qui, transporté dans un étrange milieu, est obligé d’apprendre une langue nouvelle et de comprendre des êtres si différens de lui. Il faut plus d’intelligence et de connaissances pour se mettre au niveau des sauvages ou des barbares que pour enseigner des paysans basques quand on est basque soi-même. Dans sa lettre à Rodriguez, spécialement chargé de désigner les recrues des Indes, François insistait sur les qualités de discipline et de désintéressement que réclamait l’apostolat et sur les déplorables exemples que les Portugais ménageaient aux jeunes missionnaires : « Il est tellement passé en coutume, ici, de faire ce qui ne se doit pas que nul ne s’en inquiète : tous vont par le chemin de rapio, rapis ; et j’admire comme ceux qui nous arrivent de par delà enrichissent ce verbe rapio, rapis, de modes, de temps, de participes nouveaux. » Nous voici loin des Portugais confits en charité de la lettre officielle !

Nous en sommes encore plus loin dans une lettre au Roi, dont nous ne possédons qu’une traduction latine. Sans ménagemens, avec une liberté tout apostolique, François lui dévoilait les prévarications de ses administrateurs et lui représentait combien sa responsabilité était engagée dans leurs injustices et dans leurs violences. Il lui proposait comme remède d’installer à Goa un tribunal de l’Inquisition. Cette idée venait de Michel Vaz qui, sur le point de partir pour l’Europe, l’avait rencontré à Cochin et qui désirait rapporter aux Indes le titre et le pouvoir d’Inquisiteur. François l’adopta. L’évêque avait de grandes vertus, disait-il, et son esprit grandissait chaque jour. Seulement, il était affaibli par l’âge et les infirmités. Le Saint-Office suppléerait à son impuissance. Nouvelle erreur, non qu’il faille la juger du haut de nos principes modernes, ni que nous partagions des préjugés surannés sur un tribunal qui a, en somme, offert plus de garanties aux accusés qu’aucun autre tribunal de cette époque, mais précisément parce qu’à Goa, dans ce