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sœurs, et les femmes des Américains qui ont jadis combattu sous Washington, ou bien de ceux qui, plus tard, ont combattu dans la Guerre Civile, sous les ordres de Grant aussi bien que sous ceux de Lee ! Comment s’étonner que ceux d’entre nous qui applaudissent un chant de cette sorte se soient facilement laissé épouvanter par l’odieux terrorisme des pratiques allemandes ?


Et quant aux sentimens politiques de M. Roosevelt, je crois bien qu’on pourrait les rattacher tous à celui que nous exprimait le passage transcrit, tout à l’heure, au début du présent article. Ce « devoir, » — dont l’éminent homme d’État américain voudrait que ses compatriotes ne « craignissent » pas de l’accomplir, — consiste essentiellement pour eux à rester, ou à redevenir, de véritables « Américains, » tels qu’ont été non seulement les contemporains de Washington, mais jusqu’à ceux du récent « consulat » de M. Roosevelt. C’est à ce devoir sacré que manquent gravement aujourd’hui les « pacifistes » qui, « terrorisés » par les pratiques criminelles et surtout par les impudentes menaces de l’Allemagne, poussent l’oubli de leur dignité nationale au point de proposer qu’il soit interdit à leurs concitoyens de voyager dorénavant sur des bateaux anglais, — ce qui, d’après M. Roosevelt, « attesterait un degré d’abaissement pour le moins égal à celui d’un mari dont la femme aurait été souffletée dans la rue, et qui se bornerait simplement, là-dessus, à lui défendre dorénavant de sortir de chez elle. » Avec quelle énergie déjà l’illustre président Abraham Lincoln s’est élevé autrefois contre les premiers symptômes de ce reniement scandaleux du noble idéal américain ! « Honte éternelle, disait-il, à ceux d’entre nous qui, plutôt que de consentir à la guerre, s’accommoderaient de voir périr la nation ! »


Or, toujours à en croire M. Roosevelt, le triomphe des doctrines « pacifistes » exposerait infailliblement les États-Unis au danger de « périr. » L’ex-président ne serait pas éloigné de reprendre à son compte la thèse soutenue naguère par son compatriote M. Bernard Walker dans une sorte de « roman des temps futurs » dont on vient de nous donner la traduction française, et où l’auteur décrivait à l’avance les diverses péripéties d’une prochaine agression allemande contre la grande république américaine. Ou plutôt M. Roosevelt ne commettrait sans doute pas l’erreur de M. Walker, qui, dans sa fiction « prophétique, » nous a montré l’Angleterre et la France victorieuses consentant à ce nouvel essai de brigandage allemand. Mais que si, au contraire, l’Allemagne se trouvait avoir le dessus dans sa