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Il proteste contre les étranges omissions qui le caractérisent : le Livre Blanc cite en tout 48 localités ou sections du diocèse ; il omet systématiquement de parler de plus de 70 autres, où il y eut des massacres épouvantables [1].


A travers ces pages apparaît l’intention manifeste de-s’excuser, plutôt que de témoigner des faits. Et c’est pourquoi nous disons à la Justice allemande :

« Vous encourez une lourde responsabilité, au point de vue de l’honneur de votre nation, en couvrant d’un silence approbateur les actes de votre armée que nous vous dénonçons comme criminels... Si nous n’avions écouté que notre sentiment intime, nous nous serions bornés à crier : « Mensonge ! Imposture ! » Mais la dignité et l’honneur de la Patrie attaquée exigent un effort plus sérieux. »


Cet effort, c’est la réfutation, commune par commune et point par point, de toutes les allégations du Livre Blanc.

Impossible de résumer cette longue discussion, admirablement simple et précise. Contentons-nous d’y glaner quelques faits.

Mgr Heylen révèle qu’à Andenne, dès le 23 août 1914, une première enquête fut menée par le lieutenant Backhaus : « Au Livre Blanc, il n’en est pas de traces, probablement parce qu’elle a été favorable à l’innocence. » Il partage le sentiment des Andennais, qui croient que » le désastre était décidé d’avance, » et cite des faits qui corroborent cette opinion.

Au sujet de Dinant, la voix de l’évêque s’élève avec solennité :


Nous n’attendons que le moment où l’historien impartial pourra venir à Dinant se rendre compte sur place de ce qui s’y est passé, interroger les survivans. Il en reste un nombre suffisant pour reconstituer l’ensemble des faits dans leur vérité et dans leur sincérité. Alors éclateront d’une façon manifeste l’innocence des victimes et la culpabilité des agresseurs ; on pourra constater que l’armée allemande s’est abandonnée à une cruauté aussi inutile qu’inexplicable. Alors l’univers, qui a déjà jugé avec une extrême et juste rigueur le massacre de près de sept cents civils et la destruction d’une ville antique, avec ses monumens, ses archives, son industrie, se montrera d’autant plus sévère pour les bourreaux que ceux-ci auront tenté de se disculper en calomniant leurs victimes.

  1. L’évêque rappelle, parmi ces cas omis, celui de Namur, où « nous avons été témoin, dit-il, de suppressions inconsidérées d’existences, de destructions désolantes de monumens et d’édifices, de la terrorisation systématique de la population, et où nous-mêmes avons été tenu sous la menace de la mort pour de prétendus méfaits de francs-tireurs. »