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Pour obtenir plus sûrement ce résultat, les autorités militaires avaient été jusqu’à avertir les hommes que les habitans tiraient sur les troupes et coupaient les oreilles aux blessés. « Les unités les plus coupables, au jugement du rapporteur, sont les régimens 178e 182e (garde), 100e, 101e et 103e.

Le lieutenant Loustalot dénonce la fausseté du système de défense imaginé pour excuser ces sanglans excès. D’après ce système d’une invention naïvement grossière, les Belges ne devraient s’en prendre qu’à eux-mêmes, ayant organisé la « guerre de francs-tireurs. « Sur ce chapitre, que n’étaie aucune preuve de fait, les soldats se contredisent, répètent des « on-dit, » ou rendent franchement hommage à l’humeur paisible et au bon accueil des populations.


Ce faux bruit (attaques des troupes par les civils), il est désormais avéré, au résultat de la présente enquête, que c’est l’autorité allemande qui le créa de toutes pièces dans un but facile à deviner... Des soldats croyaient que la Belgique était leur alliée : il était donc indispensable de surexciter leur férocité native par des argumens de nature à les émouvoir. Bien vite, dans chaque régiment, circula, par ordre, le bruit des agressions sauvages qu’auraient commises des civils contre les soldats allemands isolés, des récits de mutilations, de torture, etc. Bientôt, le commandement ne s’arrêta pas là. Il fut porté au rapport que des patrouilles entières avaient été massacrées... C’est sous l’influence de ces idées sanguinaires et aussi de l’alcool que se commettaient les atrocités inavouables...


D’après le lieutenant Loustalot :


Ce sont les responsabilités des chefs qui apparaissent nettement au vu des déclarations enregistrées. Non point qu’aucun des soldats ou des sous-officiers ait songé, une seule minute, à dénoncer les auteurs véritables des forfaits dont ils ne furent que les exécutans anonymes et brutaux. Ce serait mal connaître la mentalité allemande que de penser qu’un seul d’entre eux, mis en présence de ces horreurs, a éprouvé un sursaut de sa conscience ou un sentiment de révolte contre ces gradés, indignes de leur rôle de chefs. Non, aucun n’a entendu attaquer ni découvrir l’officier. Mais ils se sont tout naturellement réclamés de l’exécution stricte des ordres à eux donnés, en conformité de ce qui constitue, pour l’Allemand, la loi de la guerre.


Quant au pillage, il suffit qu’un chef y préside, officier ou sous-officier, pour qu’il devienne légitime : on le baptise alors « réquisition. » Seul, le pillage pratiqué individuellement est tenu pour condamnable. « C’est sans honte aucune, du reste,