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Cette technique pourra être grandement perfectionnée. Elle n’est que l’amorce d’un genre de guerre inédit, la dernière née des tactiques navales. Il n’est pas interdit de rappeler ce que nous avons suggéré ici, il y a déjà, quatre ans : la lutte du sous-marin contre le sous-marin n’est pas impossible ; on peut la concevoir réalisée aux points de passage et surtout au débouché des ports, grâce à l’intermédiaire des mines et filets de blocus mis en place par un adversaire invisible.

Il y a là une sorte de réplique à la guerre de sape, dont il est fait à terre si grand usage. Devant la menace grandissante que dresse devant les Puissances alliées, maîtresses des mers, le développement de la flotte sous-marine allemande, on doit envisager, à côté des méthodes défensives de surface, les méthodes de profondeur, les seules peut-être capables de donner une solution radicale.

Mais elles obligent à augmenter encore les tonnages en même temps que le nombre des sous-marins, déjà surchargés de tourelles cuirassées et d’approvisionnemens à la mesure des longues traversées. Qui donc voit dans les faits actuels la condamnation des flottes de haut bord ? On est en train de nous préparer le cuirassé sous-marin, le grand transport sous-marin, toute une marine analogue à celle d’hier, à cela près qu’elle pourra s’enfoncer et naviguer sous l’eau. Il n’est pas dit qu’elle évincera la marine de surface : peut-être la doublera-t-elle. La complexité est la loi du progrès.


De ces nouveautés, qui naissent de la guerre, toutes n’ont pas le temps de mûrir et de s’y mêler avant sa fin, mais cependant chaque jour en introduit quelques-unes dans l’art militaire et dans le drame sanglant que nous voyons se dérouler ; plus celui-ci se prolonge et plus il se transforme. Les élémens techniques nouveaux ne sont pas la seule cause de ses changemens d’aspect : il faut tenir compte aussi des progrès de leur application. Nous pouvons encore avoir la surprise de modifications profondes, soit qu’on imagine quelque procédé technique, soit qu’on donne à des moyens connus une importance qu’ils n’avaient pas. On n’ignorait pas l’artillerie lourde en 1914 : c’est la proportion et le nombre qui en sont aujourd’hui modifiés. Cela suffit à bouleverser la tactique.

Il faut donc être prêts, jusqu’au bout, à intensifier les