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VISITES AU FRONT


II.[1]
DANS LE NORD ET EN ALSACE

I. — AU NORD

Sur le chemin de Doullens à Montreuil-sur-Mer, par une radieuse après-midi d’été, entre deux haies grises de poussière. Une route encombrée d’un îlot de troupes de toutes armes, arrivant de l’Ouest comme un torrent. De temps en temps, un arrêt. Notre automobile, en se faufilant, avançait de quelques mètres, pour être bientôt obligé de se ranger, presque dans le fossé, afin de laisser passer un nouveau flot. La poussière était suffocante. Mais quel tableau nous avions sous les yeux !

Debout dans la voiture, nous regardions derrière nous pour voir arriver cette avalanche guerrière. Cavaliers, artilleurs, fantassins, lanciers, sapeurs, ambulanciers, tout marchait dans un ordre aussi parfait que sur un terrain de manœuvres. À travers la poussière, le soleil faisait briller les lances, les flancs lustrés des chevaux, dorait des files interminables de figures radieuses d’énergie, ravivant l’éclat des galons sur les uniformes fanés, donnant des reflets argentés au gris terne des mitrailleuses et des camions. Ces hommes semblaient figurer dans une allégorie splendide : ou aurait cru voir, sous l’arc triomphal du soleil couchant, l’apothéose de l’armée française, allant tout droit à la gloire.

  1. Voyez la Revue du 15 mars.