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d’avant Pâques et celle de la Saint-Michel. Avant tout, que l’on entende bien ceci : il ne se fait pas de vente sur place, de vente avec livraison immédiate. Il ne se prend que des ordres sur échantillons. On exclut les vivres et les tissus, les matières premières de l’industrie et les denrées coloniales. La réunion se tient au centre même de la ville, sur un espace de 54 000 mètres carrés ; les comptoirs, en majorité, s’installent dans les immeubles de la Peterstrasse et de la Grimmaische Strasse. Une publicité surabondante et, d’ailleurs, du plus mauvais goût, enveloppe cette manifestation : enseignes, banderoles, bannières, hommes-sandwichs, toute une mise en scène, d’un caractère spécialement boche, réclame, au profit du plus inventif, l’attention de l’acheteur.

M. Léon Arqué, dont le travail méritait d’être mieux connu, ne s’est pas borné à nous décrire les aspects extérieurs des célèbres réunions. Il nous en démontre le mécanisme interne ; il nous fait comprendre comment la nouvelle Foire, sur échantillons, est sortie de la Foire ancienne. Nous le verrons plus loin : nos vieilles Foires françaises se sont laissé mourir. Qu’est devenue la Foire de Beaucaire, si brillamment célébrée par Mistral au chant dixième du Poème du Rhône ? « Et il y avait tant à voir ! Les endroits où étaient les marchands de gimblettes enlacées par un lil et qui viennent d’Albi ; les Turcs en turban qui vendaient des pipes ; les larges braies des Grecs coiffés de rouge qui tiennent les tapis brodés de Smyrne, et le gingembre, et l’essence de rose bien cachetée dans les fioles de verre, dont une seule goutte parfume une maison ! Puis le corail, les fils de perles fines ; puis les jouets, les tambours de Beaucaire dont nous avons crevé si beau nombre étant jeunes, et les éventails ornés de paillettes et les poupées vêtues ou toutes nues I »

Les Foires de Leipzig ont su se transformer à temps. Le développement des moyens de communication, la sécurité des routes, la simplification des douanes, la création des chemins de fer, ont tué ailleurs cet intermédiaire suranné. Le commis voyageur est venu. Vous rappelez-vous le début de l’Illustre Gaudissart ? « Le commis voyageur, personnage inconnu dans l’antiquité, n’est-il pas une des plus curieuses figures créées par les mœurs de l’époque actuelle ? N’est-il pas destiné, dans un certain ordre de choses, à marquer la grande transition qui, pour