Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 32.djvu/765

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Messkaufhäuser, demanderait même quelle fût transformée en affaire d’Empire.

Sur cette Foire de Leipzig à l’époque actuelle, nous possédons un document de première valeur, le rapport publié par M. Léon Arqué [1], véritable chef-d’œuvre pour les idées et pour la forme, d’une méthode à la fois riche et rigoureuse, étude modèle de physiologie commerciale. Nul n’a mieux que lui connu et analysé la Foire de Leipzig. Tout d’abord, il a examiné ses hinterlands ; la Franconie aux coteaux sablonneux, aux bois de pins, où la majorité de la population, contrainte à l’industrie par l’infécondité du sol, fabrique les objets de métal, les jouets mécaniques et optiques, les ustensiles de ménage en tôle ; la Thuringe, de caractère forestier, d’une agriculture encore plus indigente, qui se spécialise dans les industries du bois taillé (Sonneberg passe pour être le paradis des jouets), la vannerie, le carton moulé, le verre soufflé, la porcelaine ; le royaume de Saxe, également boisé, qui vit de la broderie à la main et de la confection des ustensiles. L’Erzgebirge fabrique aussi les petits instrumens de musique. Chemnitz construit les machines textiles, qui ont rénové l’industrie saxonne.

Ces divers produits se rassemblent à Leipzig, dans la ville « énorme et multiple, » où, près d’une population ouvrière demeurée pauvre, se développent les fortunes commerciales. « Impression, nous dit M. Arqué, d’une puissance aride et cruelle. La ville fait l’effet d’une sorte de pétrification grandiose. Leipzig n’a point, comme Francfort, la large nappe mouvante du Mein pour adoucir d’un peu de grâce molle son énergie tendue et son orgueil affirmé en dure et agressive splendeur... De même que Leipzig produit l’effet d’être tout en pierre, les Lipsiens ont souvent l’air d’être tout en os. » Cité d’étudians buveurs, place forte de la librairie allemande et de l’édition musicale, Leipzig reçoit le commerce des fourrures. Ce négoce qui, jadis, s’incorporait à la foire, s’en est pratiquement détaché ; il est devenu « permanent et stable. » Les marchands ont leurs magasins et bureaux dans le quartier de Brühl, véritable Bourse des fourrures.

Il y a non pas une Foire de Leipzig, mais deux Foires : celle

  1. Dans La Science sociale, no de juin 1910, Paris, 56, rue Jacob. — Les quatre chapitres de M. Jules Hurel sur Leipzig dans La Bavière et la Saxe (Paris, Charpentier, 1911) ne sont guère qu’un résumé du rapport Arqué.