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dure. Et c’est être trop dure, voyez-vous, que de me dire dans la même haleine : « Je vous aime et je ne vous demande rien. » D’ailleurs, que vous me le demandiez ou non, ce sera fait, (il va à sa table, et il écrit : « Bernardine sait tout. Adieu. » Tendant le billet à Bernardine : ) Quand j’aurai envoyé ce billet, croirez-vous encore que je l’aime ?

BERNARDINE, lui rendant le billet, dans un cri.

Pas cela, Pierre ! Pas cela ! Cette plaie que j’ai si longtemps cachée, ne la dévoilez pas à cette femme. Souvenez-vous qu’il y a une pudeur de la souffrance. Que je ne sois pas nommée entre elle et vous ! (On entend un timbre. Elle s’arrête. A un domestique qui entre : ) Qui est là ? J’ai condamné ma porte.

LE DOMESTIQUE.

C’est Mme d’Hespelles qui voudrait dire un mot à Madame. Elle insiste.

VAUCROIX.

Faites-la entrer. (A Bernardine : ) Restez. Je vous demande seulement de ne pas me démentir.


SCÈNE NEUVIÈME
BERNARDINE, JULIE, VAUCROIX.
JULIE, à Bernardine.

Oui, c’est encore moi. Je passais avenue Marceau, en allant au Ritz. Je suis si contente de la robe trouvée chez moi que j’ai voulu te la montrer. (Elle ôte son manteau.) Regarde. Est-ce joli ? Je veux que tu te fasses faire la pareille pour aller à Biarritz. Et tu sais, des prix de guerre ! Elle vient de la petite couturière dont je t’ai parlé. Il faut absolument que tu la prennes et que tu t’habilles un peu, maintenant que ton mari t’est rendu. (A Vaucroix : ) N’est-ce pas, Pierre ?

BERNARDINE, pouvant à peine parler.

La robe est charmante, en effet.