Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 32.djvu/740

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
JULIE.

C’est que je ne veux pas que tu retournes jamais là-bas. Tu as payé ta dette. Pour toi, pour nous, la guerre est finie.

VAUCROIX.

Elle ne l’est pas pour la France. Pourquoi te calomnies-tu, Julie, tout à l’heure, à propos de ton hôpital, maintenant à propos du pays ?

JULIE.

Je ne me calomnie pas, mon ami. Je ne suis qu’une pauvre femme, pour qui la grande affaire, c’est son amour, c’est toi. Ah ! que je la maudis, que je la hais, cette guerre qui nous a pris plus d’une année I Elles sont comptées, pour une femme de mon âge, les années d’amour. Pense que je vais avoir trente-deux ans. Mais je te tiens, et, cette fois, je ne te rendrai pas. (Elle le serre dans ses bras.)

VAUCROIX, dans un geste de recul et de souffrance..

Laisse !

JULIE.

Je t’ai fait mal ?

VAUCROIX.

Un peu.

JULIE.

A ta blessure ? Oh ! Pardon !... D’ailleurs, de quoi vais-je t’ennuyer, au lieu de te faire parler, toi, et de toi ? Je ne sais rien de ta vie depuis si longtemps, que ces pauvres bribes dans tes cartes et dans tes lettres. Je pourrais même t’en vouloir, si je n’étais pas bonne enfant. Tu écrivais à Bernardine bien plus long qu’à moi. Ça me faisait un peu de peine, quand je venais ici aux nouvelles.

VAUCROIX.

Toutes les lettres étaient lues. Je ne pouvais pas. Et toi-même...

JULIE.

C’est vrai. N’empêche que tu aurais dû m’en mettre davantage.