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encore réglé dans le droit des gens ; en cela, elle n’a violé aucun droit en vigueur ; elle s’est contentée de faire valoir les caractères distinctifs de la nouvelle arme : le sous-marin. » Là où il n’y a pas de droit, le droit lui-même perd ses droits ; « il n’est pas vrai » que le sous-marin soit obligé, en épargnant les neutres, de se dépouiller de ses « caractères distinctifs : » et ce sont de beaux sujets de dissertation pour les quatre-vingt-treize « intellectuels » allemands !

En attendant, le fait est que M. de Tirpitz est parti, mais pourquoi ? Nous ne le savons pas, et il est vraisemblable que, même en Allemagne, peu de personnes le savent exactement. Le grand amiral paraissait assuré de la faveur impériale : on eût juré qu’il avait infiniment plus à en espérer qu’à en redouter, et que le ministère de la Marine n’était qu’un degré dans son ascension, Que s’est-il passé ? M. Ballin, le directeur, très bien en cour, de la Hamburg-Amerika, sur toutes ces questions conseiller réellement intime de l’Empereur, a-t-il convaincu Guillaume II du danger que faisaient courir à la marine marchande de l’Allemagne, ou à ce qui en reste, les méthodes exaspérées de M. de Tirpitz ? Déjà il a fallu déclarer la guerre au Portugal qui a séquestré les navires allemands réfugiés dans ses ports ; et s’il est difficile à l’Allemagne d’aller joindre ce huitième adversaire à Lisbonne, elle en sentira le contact en Afrique orientale, où il va, sans péril pour lui, fermer tout à fait le cercle dans lequel la colonie impériale étouffe. Déjà aussi quelques États de l’Amérique du Sud, le Brésil, par exemple, songent à faire de même. A plus forte raison, l’Italie, qui, encore qu’elle ne soit pas avec l’Allemagne en état de guerre déclarée, ne peut pas être tenue pour neutre, et qui, ayant besoin de navires, a réquisitionné ceux qu’elle a trouvés, même allemands. Et ce n’est pas tout : la Hollande, irritée de la perte de la Tubantia et du Palembang, venant après tant d’autres, tend à se départir de sa longue patience ; le Danemark, la Norvège, se lassent ; la Suède elle-même souffre de voir ses bateaux sauter sur des mines, jusque dans ses eaux territoriales : on a dû s’en préoccuper, entre ministres Scandinaves, dans l’entrevue de Copenhague. Plus haut qu’eux tous, M. Wilson, blessé dans son culte du droit, harcelé de scrupules à la fois présidentiels et professionnels, réclame une solution à l’affaire de la Lusitania et des sûretés pour les communications, pour la liberté d’aller et venir, de l’Amérique avec l’Europe. Que, demain, les États-Unis, la Hollande, la Norvège, le Danemark montrent la même audace que le Portugal : où sera la marine de commerce allemande, ce magnifique instrument qu’on n’a fait qu’en