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M. Bissolati, poussaient ouvertement à l’intervention. De même des républicains et des radicaux constitutionnels ; de même aussi, et comment non ? des nationalistes et leur journal, l’Idea nazionale. A droite, les conservateurs, les catholiques étaient pour le maintien prolongé de la neutralité ; et chez plusieurs d’entre eux perçait une pointe de prédilection secrète ou discrète pour les empires encore alliés. Vers le centre, noyau de la majorité ministérielle, on était neutraliste dans la limite, pour le temps et selon l’intention où le gouvernement jugeait bon de l’être, ou de le paraître et de le rester ; décidé ou résigné à ne l’être plus aussitôt que le gouvernement jugerait meilleur ou nécessaire d’agir, l’heure venue, l’occasion offerte. Il y avait donc, au début, deux espèces de neutralistes : les partisans de la neutralité absolue, perpétuelle, sans conditions ; et ceux de la neutralité suspensive, qui ne s’interdisait pas de se changer un jour en intervention, mais ne se prononçait pas sur le choix du jour et s’en remettait de ce soin au gouvernement. Après la fameuse lettre de M. Giolitti, il y en eut une troisième espèce : les partisans de la neutralité « négociée » et sous conditions, d’une bonne petite neutralité qui rapporterait parecchio et ne serait pas une si mauvaise affaire.

Cependant, la force des choses commençait à opérer. Les événemens se déroulaient suivant leur logique, et l’instinct du peuple les poussait. Le 3 mai 1915, M. Sonnino, ministre des Affaires étrangères, dans une note adressée à M. le duc d’Avarna, ambassadeur du Roi à Vienne, dénonçait le traité d’alliance avec l’Autriche-Hongrie. À cette note, le premier ministre de la Monarchie, le baron Burian, répondait le 21, et, le 23, l’Italie achevait son geste par la déclaration de guerre. Ce même jour, 23, l’empereur Guillaume fulminait l’anathème contre « l’apostasie » du faux frère italien qui » passait dans le camp ennemi, » le vouait à l’exécration et le promettait à une vengeance exemplaire, si âprement que François-Joseph, bien que visé et atteint en personne, ne lançait d’accens ni plus amers ni plus enflammés. Et puis la fin de l’année s’écoulait sans que l’Allemagne eût appuyé sa malédiction d’une déclaration de guerre formelle à l’Italie, et sans que l’Italie eût cru avoir à compléter par une déclaration de guerre à l’Allemagne sa déclaration de guerre à l’Autriche. Dans l’intervalle, pourtant, elle avait encore déclaré la guerre aux deux nouveaux alliés de l’Empire, la Turquie et la Bulgarie ; ils étaient quatre, par conséquent, avec trois desquels elle annonçait vouloir se battre. Mais tandis qu’elle faisait à l’Autriche, sans délai, une guerre effective, la guerre guerroyée, — guerra guerreggiata, — envers deux des autres, le Turc