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quelques milliers de casques à pointe, ou de quelques régimens déguisés, dénationalisés jusqu’à la pointe de leurs casques.

La situation politique et morale de l’Entente n’est pas moins bonne que sa situation militaire. De Rome, notamment, M. Salandra part pour la Conférence, consolidé et encouragé, à la Chambre des députés par un ordre du jour voté à une majorité de 330 voix, au Sénat par une motion adoptée à l’unanimité. Quand la session avait repris, le 1er mars, il y avait, autour de Montecitorio, un certain trouble. Le président du Conseil, dans un récent discours prononcé à Turin, au cœur même du fief de M. Giolitti, avait nettement rappelé que son ministère avait son caractère propre, sa forme et sa couleur ; que c’était un ministère conservateur et libéral ; nous aurions dit chez nous, il y a un quart de siècle, centre droit et centre gauche, conjonction des centres. Il avait ajouté ou laissé entendre qu’ainsi composé, ayant fait en outre à l’ « union sacrée, » à la « solidarité nationale » l’a’vance d’appeler à ses conseils le républicain Barzilaï, il persévérerait tout entier dans son être ou disparaîtrait tout entier. Une telle franchise n’avait pas plu atout le monde, pour des motifs de qualité diverse, dont quelques-uns sont trop humains pour qu’on ne les dedne pas et que nous ayons besoin de les indiquer. Quoiqu’il en soit, à la rentrée, le problème se posait en ces termes : élargissement du Cabinet, élargissement de la guerre, et l’un en vue de l’autre ; mais on ne peut bien le comprendre que si l’on se représente ce qu’a été successivement, quant à la guerre elle-même, la position des différens partis.

Remontons à un an de distance, en janvier ou février 1915, au moment où l’Italie, ayant, dès le 3 août 1914, proclamé sa neutralité, délibérait, pesait, ainsi qu’elle devait le faire, les chances et les risques, mesurait ses aspirations et ses ressources. Tout au bout de l’extrême gauche, en dehors même du champ des partis légaux, une poignée d’anarchistes se déclarait ardemment neutraliste et ne menait bruit que d’imposer l’inaction par la violence (à quoi, au surplus, elle était loin d’être de taille à réussir). Comme elle, ses plus proches voisins, et ses intimes ennemis, les socialistes officiels, par des considérations et des raisons sur lesquelles des procès retentissons ont peut-être jeté quelque lumière, mais que nous ne serions en droit de retenir que si elles étaient établies avec assurance, voulaient, pour la plupart, la neutralité. En revanche, les syndicalistes, les fasci révolutionnaires, réclamaient à grands cris la guerre contre l’Autriche. Les socialistes réformistes, dissidens ou indépendans, avec M. Mussolini et le Popolo d’Italia, leur organe, avec leur orateur,