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culture du sol. Comme disait Voltaire, « on n’a besoin que d’une plume pour deux ou trois cents bras [1]. »

Après avoir d’abord et brièvement indiqué comment se posait, avant la guerre, la question de la motoculture, je voudrais à ce propos essayer de montrer comment les événemens actuels l’ont modifiée tout en la rendant plus aiguë, et comment aussi il faudra l’envisager après la victoire.


Dès 1833, comme l’a rappelé M. le professeur Ringelmann, qui est en France la principale autorité en la matière, on a commencé à utiliser en Angleterre des engins agricoles mus par la vapeur. Si donc le mot « motoculture » est nouveau, la chose ne l’est pas. C’est même le contraire de ce qui a lieu pour certaines choses dont les noms inscrits sur certains frontons monumentaux... au Monomotapa, ont précédé de bien loin et attendent peut-être encore, à ce qu’on dit, les réalités correspondantes. Quoi qu’il en soit de cette remarque qui prouve surtout que la culture des céréales est une chose et la culture des passions populaires une autre chose très différente, il est certain que le mot « motoculture » lui-même n’a reçu que depuis peu ses lettres de grande naturalisation. On l’a chicané sur ses origines, encore que bien latines. « Motoculture », disait-on, veut dire culture par moteurs ; or les animaux ne sont-ils pas des moteurs ? Cela voudra donc dire, répondait-on, culture par moteurs inanimés. Mais ici encore on pourrait discuter et appeler à la rescousse Descartes contre La Fontaine. Mais laissons là le « bonhomme » que ne manqueraient pas de mettre en fuite certaines moissonneuses-lieuses et charrues mécaniques à l’aspect terrifiant, campées aujourd’hui sur les coteaux qu’il anima bucoliquement. Nous définirons tout simplement sous le nom de motoculture les procédés de culture où le travail des animaux est totalement ou partiellement remplacé par des mécanismes.

Les premières tentatives de mécanique agricole, faites en Angle-

  1. On me pardonnera de citer au cours de cette chronique quelques réflexions de Voltaire sur les questions agricoles. Mais je ne puis résister au plaisir de le faire, car d’abord ces remarques sont généralement peu connues et puis elles prouvent que le prince de l’esprit français avait quelquefois d’autres préoccupations que de polémique. La façon dont il a défriché et cultivé son domaine de la région de Ferney, en Candide à qui ne manquait que la candeur, mérite d’être admirée, et on ferait à ce sujet, en y joignant toutes ses pensées subtiles et justes sur les choses agricoles, un volume qui ne serait pas sans intérêt, — s’il n’existe déjà, — sur « Voltaire cultivateur. »