déduites et combinées ont leur contrôle dans la clinique ; et elles tombent si la clinique les dément. De sorte que la science et les principes de la science nous engagent à ne point isoler de « l’action » la vérité. Les systèmes d’idées qui aident à la vie ont, de ce fait, leur vérité ; les systèmes d’idées qui détraquent en nous l’aptitude à vivre, ont là leur démenti. Ainsi l’épreuve, ou expérience, nous avertit opportunément ; et quelle épreuve, que cette guerre, la plus grande guerre et l’expérience la plus vaste qui ait placé l’humanité devant les doutes de la mort ! Il faut que la mort, pour n’être pas le scandale de la nature, ait « un sens » : ce mot veut dire « une signification, » et ce mot veut dire « une direction. » L’auteur de ce roman dirige la mort vers Dieu. Et le roman, dont les péripéties se développent avec une logique pressante, séduit l’intelligence et la touche, quand il est tout animé du charitable désir de lui donner à contempler un univers et de lui épargner l’offense d’un chaos.
Univers ou chaos, l’objet redoutable dépend des lois intimes et cachées qui le gouvernent, dépend aussi du regard qui l’examine et qui en tolère le spectacle. L’effroyable guerre ne serait que démence déchaînée, si les âmes ne l’eussent contrainte à se ranger dans les catégories du courage, de la résignation, de la sérénité volontaire. Comment la catastrophe est devenue patience, et la calamité vertu, c’est ce que montre La Veillée des armes, roman de la guerre en ses préludes. Mme Marcelle Tinayre y conte l’histoire de deux jours. Son récit commence le 31 juillet de l’avant-dernière année, au matin, « lourd matin, blanc de soleil et d’orage, » et finit le matin du 2 août, lors des premiers départs des jeunes hommes. Ce sont là presque les limites de durée dans lesquelles s’enferme une tragédie. Une crise mentale se noue et se dénoue en peu de temps ; et, comme une tragédie noue et dénoue une telle crise, c’est une crise également que présente La Veillée des armes : il s’agit d’une âme, — et de l’âme française, — que va troubler, bouleverser la subite explosion de la guerre et qui maîtrisera son émoi. Une occasion de folie et qui tourne en sagesse, par l’œuvre énergique de la raison : c’est une tragédie en effet. Le nom de Racine revient plusieurs fois dans les pages de ce roman ; il nous étonne et, bientôt, nous enchante. Mme Tinayre souhaite que son héroïne, toute moderne et d’aujourd’hui très exactement, soit en quelque façon racinienne : oui, et c’est ainsi que, sous la menace de la barbarie, l’âme française a eu recours à tout son passé pour être plus sûre de soi et sans doute a aimé avec une ferveur