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d’Arras, il n’est plus représenté que par quelques moignons d’arbres. Comment décrire ces collines calcinées, ravinées, creusées d’entonnoirs, et hérissées de débris ? On croirait que cette région a été dévastée par une éruption volcanique.

Nous arrivons à la lisière orientale du bois, mais là nous sommes obligés de nous arrêter. Cette lisière elle-même est balayée par un feu d’artillerie d’une rare violence. Le commencement du Chemin Creux est encore à cinq ou six cents mètres plus loin, au bas d’une prairie qui descend en pente douce depuis la lisière du bois, et qui forme un merveilleux glacis battu par les tireurs ennemis du Bois en Hache. Un boyau de communication projeté n’a pas encore été amorcé. Impossible de passer en ce moment.

Il n’y a qu’à revenir à la Tranchée des Saules, pour gagner le boyau qui de là se dirige sur le chemin d’A... C’est ce boyau qu’ont dû suivre les plantons par lesquels le colonel a fait porter l’ordre d’attaque. Je refais en sens inverse la route parcourue tout à l’heure, et je vais jusqu’au poste du colonel H... pour savoir s’il a des nouvelles du deuxième bataillon. Je trouve le colonel soucieux. Toutes les lignes téléphoniques étant détruites par le bombardement qui fait rage sur la zone comprise entre la Tranchée des Saules et le Chemin Creux, les ordres ne peuvent être transmis que par plantons. Depuis midi, il a donc envoyé d’heure en heure un planton porter au commandant B... une copie de l’ordre d’attaque. Il est six heures, et aucun de ses messagers n’est encore revenu. Peut-on compter qu’un de ces pauvres garçons a réussi à passer ? Le colonel se décide à envoyer un septième planton. C’est un mitrailleur imberbe, qui a l’air d’avoir dix-huit ans. Il reçoit le pli et, au moment de partir, demande gentiment « qu’on écrive à ses parens, s’il n’en revient pas. »

Il est absolument urgent de faire parvenir cet ordre au commandant B..., car l’attaque de son bataillon doit être menée concentriquement avec des attaques de compagnies du …e, partant du fond de Buval, et du …e bataillon de chasseurs à pied, partant de Notre-Dame-de-Lorette. Si l’une de ces attaques n’a pas lieu, les autres, ne recevant pas l’appui sur lequel elles comptent, peuvent se trouver dans une situation périlleuse. Le colonel commandant la brigade, informé par téléphone de la difficulté que présentent les communications avec ce bataillon,