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à Neuilly). Quel héroïsme tranquille dans cette nature qui ne paraissait préparée qu’à l’enseignement et à la méditation !

J’arrive à l’abri du colonel H..., commandant le …e, auquel je remets les ordres, avec les explications nécessaires. Puis je vais à l’observatoire établi près de là, dans une maison en ruines qui se trouve sur le bord de la grande route. J’embrasse du regard l’étroit vallon qui descend sur Souchez, encadré à gauche par le Bois en Hache, encore aux mains des Allemands, et à droite par le Bois Carré dont nous tenons la lisière septentrionale. Entre les deux bois, au milieu du vallonnement, des touffes de buissons indiquent de place en place la ligne du Chemin Creux sur lequel le bombardement fait rage en ce moment.

Le colonel assure lui-même la transmission des ordres au commandant B..., du deuxième bataillon, qui fera l’attaque, mais je dois aller sur le terrain en suivre l’exécution. L’attaque étant fixée à dix heures du soir, j’ai plus de temps qu’il ne m’en faut et veux en profiter pour parcourir l’ensemble de nos positions. Je vais donc aller d’ici au Bois Carré, et de là j’essaierai de gagner le point..., à l’extrémité Sud du Chemin Creux, où se trouve le poste de commandement du deuxième bataillon. Je me remets en marche dans le boyau qui suit la route d’Arras. Le bombardement est assez vif, et je rencontre dans le boyau des files de blessés, parmi lesquels plusieurs officiers que je connais. J’arrive à la Tranchée des Saules. C’est ici qu’était il y a un mois la première ligne allemande ; mais, écrasée par nos obus, elle ne présente plus qu’un amas informe de terres bouleversées, d’où émergent des débris de poutres et de ferrailles.

Voici le poste du commandant S..., le chef du bataillon qui commande la défense du Bois Carré. Il me montre en riant qu’il vient de l’échapper belle. L’entrée de son abri, sorte de niche taillée dans le béton de la route d’Arras, a été visitée par un obus, qui a mis le feu aux fusées éclairantes entassées en cet endroit. L’artillerie allemande fait un tel barrage devant la lisière du Bois Carré qu’il ne croit pas que je réussisse à traverser la prairie pour aller au Chemin Creux. Cependant, il va me guider dans cette direction.

Nous entrons dans le Bois Carré. Comme le Bois des Boches, et le Bois 10, qui le prolongent de l’autre côté de la route