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bâtiment atteint sera un bâtiment détruit. Toutes les mines n’explosent pas ; toutes les explosions ne sont pas mortelles.

Il n’en est pas moins vrai qu’il y a là un sujet de sérieuses préoccupations : de préoccupations immédiates et de préoccupations pour l’avenir, car ceux de ces engins qui n’auront pas explosé, ou qui n’auront pas été capturés, détruits, coulés à fond, resteront pendant des années dangereux pour la navigation. On l’a bien vu dans le Pé-tchi-li, dans les mers de Chine et du Japon, après la guerre de 1904, où il ne s’agissait cependant que de mines fixes qui, accidentellement, avaient rompu leur câble de retenue et flottaient en surface...


Ainsi donc, il y a des accidens à craindre et, au demeurant, il s’en est déjà produit, et de fort douloureux.

Comment peut-on y parer ?

S’il ne s’agissait ici que de la logique pure, ou même si l’on pouvait toujours régler sa conduite suivant les principes les plus élevés, les plus incontestables de l’art de la guerre, la réponse ne serait guère douteuse. Ce, serait celle que je faisais ici même, il y quinze mois, lorsque la question se posait à propos des sous-marins et que je disais : « C’est à l’origine du mal qu’il faut remonter, c’est dans leurs cavernes qu’il faut aller chercher les pirates, c’est à la côte allemande qu’il faut frapper. »

Remarquons par parenthèse qu’il n’était pas nécessaire, — il ne le serait pas davantage aujourd’hui, d’ailleurs, — d’entreprendre des attaques à fond sur les divers ports de cette côte, encore moins de pénétrer de vive force dans certains estuaires que l’on peut supposer bien défendus, s’ils ne sont pas, certes, inexpugnables. Il ne s’agissait que d’un blocus rapproché, méthodiquement organisé, point par point, en commençant par l’Ems et par Borkum, — car l’existence de ces îles frisonnes le long du littoral allemand constituait un précieux avantage pour le bloqueur [1]. Et ce blocus, comportant l’emploi le plus large des mines fixes et des filets, pouvait être tenu à faible distance de la côte par les bâtimens légers, soutenus plus au large par les croiseurs, ceux-ci s’appuyant eux-mêmes sur une dernière ligne, celle des unités de combat. Quant à la Baltique, on ne

  1. Voyez l’étude sur Les Iles de la côte allemande dans la Revue des Deux Mondes du 1er septembre 1915.