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mettons d’une durée de quinze jours ou trois semaines, — ils en peuvent jeter à la mer 300 ou 400, les grands submersibles tout récens doivent en prendre au moins une soixantaine, ce qui double le total. Voilà donc 800 mines au moins, mises à l’eau tous les mois. Mais n’imaginons pas que l’état-major de Berlin ne confie qu’aux seuls sous-marins la mission de venger ainsi « les victimes de la cruauté britannique. » Déjà, au début de la guerre, il avait été à peu près établi que des vapeurs neutres, des « cargos » de très pacifique apparence avaient été chargés de semer des mines automatiques fixes sur certains points très fréquentés des mers anglaises et même dans les passes des grands ports, tels que Glasgow, Liverpool, Newcastle et Londres même. A supposer que de telles pratiques, évidemment fort dangereuses pour les équipages qui, moyennant de fortes sommes, consentaient à jouer un tel rôle, aient à peu près cessé pendant la période où l’Allemagne comptait absolument sur le succès de la campagne des sous-marins, il est logique d’admettre aussi que ces pratiques vont reprendre, maintenant qu’il faut, sans marchander, tout mettre en œuvre pour réussir. D’ailleurs, il est beaucoup plus facile à un simple « cargo » de jeter à la mer, sans plus d’études et de précautions, des mines libres que de mouiller des mines fixes d’après un plan déterminé. Il suffit, dans le premier cas, de « semer » les engins à peu près sur l’aire convenue, en face de telle ou telle pointe, à l’ouvert de telle ou telle baie, par tels ou tels degrés de longitude et de latitude. Enfin, moins encombrantes, plus simples, les mines libres peuvent être plus aisément dissimulées, ce qui est fort important, en cas de visite.

Il y a encore autre chose. On sait que les Allemands reprennent goût à la guerre de croisière, conduite avec des paquebots rapides, armés en corsaires, mais commandés par des officiers de la marine de l’Etat, avec quelques canonniers, des torpilleurs, des électriciens pour la T. S. F., des timoniers, etc. Enchantés des résultats inespérés des courses de la Moewe dans l’Atlantique, très fiers que ce « blockade runner » ait pu rentrer à Wilhelm’shaven sans être intercepté par les croisières anglaises [1], ils ont fait aussitôt prendre la mer à deux nouveaux

  1. La Moewe a fait un très grand tour par le Nord, du côté des Féroë ; elle est ensuite descendue vers le Sud en longeant la côte de Norvège, puis celle de la presqu’île Cimbrique, celle-ci de très près. Il y a là des indications intéressantes