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juillet 1914, 28 francs les 100 kilos ; aujourd’hui, c’est presque le prix du « bouillon, » c’est-à-dire des numéros invendus à mettre au pilon. En tout cas, les vieux papiers, qui se payaient 4 francs, sont passés à 20 francs le quintal ; les Anglais, qui n’en ont que faire parce que leurs papeteries ne les utilisent pas, nous les envoient pour nos cartonnages et autres sortes communes, dont les fabriques de cartouches font grande consommation. Pour les journaux, on ne fait pas de neuf avec du vieux, du moins en ce qui touche le papier ; on ne saurait y faire entrer plus de 3 et, au maximum, 5 pour 100 de déchets.

Les fabricans scandinaves, à qui le soufre manquait pour la pâte chimique, résilièrent leurs contrats ; la sortie de la pâte fut ensuite quelque temps interdite, jusqu’au règlement de la question des tourteaux. Les Alliés, ayant reconnu que les tourteaux d’huile importés en Suède pour l’alimentation du bétail glissaient partiellement en Allemagne, suspendirent tout envoi de cette nature ; à quoi la Suède répondit par une prohibition de sortie de ses pâtes à papier, jusqu’à ce que nous fussions tombés d’accord sur l’expédition annuelle des 20 000 tonnes de tourteaux estimés par elle nécessaires pour son propre usage. Entre temps, le change avait monté de 20 pour 100 ; le fret, de 6 francs la tonne pour la pâte mécanique et de 13 francs pour la pâte chimique, était passé à 42 et 65 francs. Telle compagnie norvégienne de navigation a distribué, pour le dernier exercice, un dividende de 200 pour 100 ; ses actionnaires ont en un an triplé leur capital, bien que la quantité de cellulose importée fût tombée de 4 millions 600 000 tonnes, en 1913, à 2 millions 800 000 en 1915.

Notre Parlement, en vue de favoriser les arrivages, a supprimé le droit de douane de 10 francs ; cette mesure transitoire, qui cessera trois mois après la fin des hostilités, sans quoi la Suède et même le Canada, disposant de la houille blanche et du bois à pied d’œuvre, auraient tôt fait de ruiner la papeterie française, n’a pas donné les résultats espérés. Le prix des papiers a continué à s’élever et leur production à décroître : notre plus forte manufacture fait exactement la moitié de ce qu’elle faisait il y a deux ans. Faute de main-d’œuvre et de matières, faute de toiles métalliques aussi, dont les papeteries ne peuvent se passer, nombre d’usines sont arrêtées.