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même auquel le kilowatt-heure est vendu, quel que soit le combustible employé par elles : les fines de Cardiff sont passées de 18 francs à 60, et de même les grains lavés d’Ecosse ; de là, au chemin de fer métropolitain, un surcroît de débours annuel de 4 millions de francs. Sans parler de l’intérêt perdu sur le fonds de roulement improductif, qui triple avec un charbon triplé de prix. Quant aux Compagnies qui vendent à la fois lumière et force, telles que les secteurs électriques de Paris, comme la lumière se vend dix fois plus cher que la force, elles ne sont pas trop à plaindre.

Il n’en est pas de même des Compagnies de gaz, qui emploient annuellement 4 millions de tonnes de houille ; pour elles, la hausse du charbon est loin d’être compensée par le supplément qu’elles tirent de leurs sous-produits : du coke notamment, ou des huiles de goudron, dont la France, comptant sur l’étranger, avait eu le tort grave de négliger la distillation avant la guerre et qui fournissent maintenant du phénol et du crésol pour la fabrication des explosifs. Pour la Société du gaz de Paris, la réduction de l’éclairage des rues dans la capitale n’est pas, comme on pourrait le croire, une source d’économie bien sérieuse ; elle est seulement l’occasion de pétitions innombrables de la part des boutiquiers en crédit près des puissans du jour, en vue de faire rallumer le bec de gaz situé devant ou à proximité de leur porte. Quel élu du suffrage universel refuserait d’appuyer pareille demande de la part des marchands de vins de son quartier ? Quel ministre serait assez dur pour ne pas intervenir en faveur du grand restaurant qu’il honore de sa présence ?

L’éclairage des voies publiques ne représente d’ailleurs que 4 pour 100 de la consommation du charbon. L’obscurité relative où Paris est plongé chaque soir n’a pas empêché la Société du gaz de perdre l’an dernier 20 millions et demi de francs sur une vente de 332 millions de mètres cubes à 20 centimes. Cette perte de 7 centimes 35 par mètre cube oblige la Société fermière à contracter un emprunt, dont l’amortissement privera ses actionnaires pendant sept ou huit ans de leur participation à des bénéfices gagés d’avance. Il s’agit ici, comme on sait, d’une régie intéressée ; le principal bénéficiaire du gaz en temps normal est la Ville elle-même ; privée de ce revenu, elle le retrouvera sous forme d’impôt sur les ménages parisiens qui.