Au mois d’août, Desportes manda le modérateur de la Compagnie. Le Directoire, lui dit-il en substance, veut que le culte protestant de Genève se répande dans toute la France. Le meilleur moyen d’y parvenir, c’est de placer ce culte au jour du Décadi ; et Desportes ne doutait pas que le clergé de Genève, « éloigné du fanatisme et de la superstition par une religion plus rapprochée qu’en nul autre pays de la religion naturelle, » accordât son assentiment. Les pasteurs délibérèrent ; ils décidèrent de maintenir le dimanche, mais d’organiser aussi, chaque Décadi, des prêches et des prières ; et quatre mois plus tard un commissaire officiel témoignait que « les réunions décadaires étaient décentes, nombreuses et même gaies ; que les temples, souvent remplis, ne retentissaient plus que des préceptes d’une saine morale, et qu’une douce philosophie était en train de s’enter insensiblement sur le culte réformé. « Desportes et ce commissaire étaient satisfaits des pasteurs, et peut-être escomptaient-ils, déjà, l’heure vraiment républicaine où, dans l’Eglise de Genève, il n’y aurait plus que des Vicaires Savoyards, prêchant trois fois par mois, aux trois Décadis.
Mais, avec le 18 Brumaire, un autre esprit soufflait : la religion décadaire s’effondrait. Le bruit se répandait bientôt qu’entre le Premier Consul et Rome des négociations étaient proches. L’insécurité du culte catholique allait diminuant, et comme la liberté des cultes était théoriquement proclamée par la Constitution française, comme les neuf dixièmes des fonctionnaires et des soldats amenés à Genève par l’occupation étaient d’origine catholique, Genève, ville française, devait s’ouvrir au catholicisme. Il avait dû se blottir, jusque là, dans des chapelles de résidens, coins de terre française ou sarde qui jouissaient, sur le sol de Genève, des immunités diplomatiques ; il avait le droit, aujourd’hui, de se libérer de ces fictions et de réclamer une place dans Genève, sur terre authentiquement genevoise ; mais Genève fut moins accueillante pour la Messe qu’elle n’avait fait mine de l’être pour le Décadi.
Un jeune prêtre savoyard qui, comme Bonaparte, comptait alors trente ans, Jean-François Vuarin, et un autre prêtre nommé Neyre, évadé des prisons de l’île de Ré, installèrent publiquement, à la fin de 1799, la pratique du papisme dans Genève. Une messe de minuit, célébrée à Noël dans une chapelle improvisée, attira quelque affluence. Mais des plaintes