mois prochain ! puis viendront les derniers bans. Dans trois mois, quatre au plus, l’Angleterre possédera son armée nationale tout entière. La révolution sera accomplie, car c’est bien une révolution, « la plus importante qu’ait vue ce pays, » comme l’a dit très justement l’autre soir, devant la Chambre des Lords, celui qui a été le plus intelligent et le plus énergique ouvrier de cette grande œuvre, lord Derby. Le service obligatoire, qui fait de la Grande-Bretagne une nation militaire comme celles du continent, sera-t-il maintenu quand cesseront les hostilités ? Deviendra-t-il une institution permanente, un fragment de la Constitution ? Pour risquer une prédiction à ce sujet, il faudrait savoir comment finira la guerre, si elle aboutira à une simple trêve ou à une paix solide et durable.
Pour le moment, la question du jour est celle-ci : comment l’Angleterre va-t-elle s’y prendre, maintenant qu’elle est privée de ses hommes, pour maintenir le train journalier de sa vie, pour garder ouvertes ses banques, ses boutiques, ses lignes de chemins de fer ? Une chose est certaine : le gouvernement a pris son parti et appliquera la loi avec fermeté. Le langage du premier ministre ne permet pas d’en douter. Il y a trois semaines, il était interrogé dans la Chambre des Communes à propos de ces sottes rumeurs de paix que nos ennemis mettent périodiquement en circulation. Après avoir rappelé, une fois de plus, que l’Angleterre ne pouvait accepter ni même écouter aucune ouverture de paix sans être d’accord avec les Puissances auxquelles elle est liée par un pacte indissoluble, il répétait exactement les mêmes paroles qu’il avait fait entendre au banquet de Mansion House, en novembre 1914 : « Nous ne remettrons pas au fourreau l’épée, que nous n’en avons pas tirée à la légère, avant que la Belgique, — et j’ajouterai aujourd’hui la Serbie, — aient recouvré tout ce qu’elles ont perdu, et plus encore ; avant que la France soit prémunie d’une manière sûre contre toute agression nouvelle ; avant que l’indépendance des petites nationalités européennes ait été établie sur une base inébranlable ; enfin avant que le despotisme militaire de la Prusse ait été complètement et définitivement détruit. »
La Chambre a passionnément applaudi ces paroles auxquelles la lenteur réfléchie de renonciation, détachant et accentuant chaque syllabe, donnait un caractère étrange de force et d’autorité. Elle a eu nettement conscience d’assister à une minute