Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 32.djvu/462

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

villes anglaises d’importance équivalente. « La forteresse de Verdun, nous dit-il, m’a produit l’effet d’avoir une garnison inférieure à celles de Plymouth ou de Chatham. J’y ai suivi un bataillon d’environ six cents hommes qui marchait aux sons du clairon ; dans un autre quartier, j’ai assisté à l’instruction d’une centaine de fantassins ; et je me souviens aussi d’avoir croisé, çà et là, des groupes d’artilleurs : mais, certes, tout cela me révélait aussi clairement que possible combien la France, à cette date du début de juillet 1914, était loin de toute pensée de mobilisation. »

Tandis que l’Allemagne entière, qu’il a visitée les semaines d’après, s’est montrée à M. Morse absolument « encombrée de soldats : » au point qu’un jour notre voyageur, se trouvant en compagnie d’un officier allemand qui savait parler l’anglais, n’a pu s’empêcher de lui demander « s’il était d’usage, dans l’armée allemande, d’appeler toutes les réserves pour participer aux manœuvres. »

— Notre armée ne s’en va pas aux manœuvres, — a répondu l’Allemand, — mais bien à la guerre !

— A la guerre ? Et contre qui ?

— Contre les Russes et les Français !

— Et vous vous croyez assez forts pour cela ?

— Les Autrichiens marchent avec nous. Avant un mois, nous serons à Paris !

Fort étonné de ces prédictions, M. Morse n’en a pas moins continué d’explorer tranquillement les « centres » commerciaux du Nord de l’Allemagne ; après quoi, vers le 25 juillet, il est arrivé à Ostrowo, petite ville polonaise placée presque aux confins de la Prusse et de la Russie, avec l’intention de s’y reposer pendant quelques semaines chez un confrère allemand qui, de tout temps, lui avait témoigné une amitié toute particulière. C’est là que, le soir du 31 juillet, son hôte lui-même et plusieurs autres personnes lui ont conseillé de quitter le sol allemand le plus vite possible, sous peine pour lui, en sa qualité d’Anglais, de se voir « interné » jusqu’à la fin de la guerre. Car non seulement la réalité de celle-ci était dorénavant trop certaine, mais tout portait à penser que l’Angleterre aussi allait y prendre part, sous l’effet d’un a ultimatum » que l’empereur Guillaume, disait-on, venait d’adresser à sir Edward Grey.

Nul moyen, avec cela, pour M. Morse de songer à utiliser la seconde moitié du « billet circulaire » dûment payé par lui à une « agence » anglaise, et qui lui permettait de s’en retourner dans son pays par l’Allemagne du Sud : il eût risqué d’être arrêté vingt fois