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toute une catégorie de marins professionnels (gabiers, timoniers, chauffeurs), que la marine nationale est impuissante à former elle-même.

Le plus humble navire de pêche prête enfin son concours à la cause générale en fournissant des renseignemens aux autorités compétentes sur la position des champs de mines et en procédant, parfois involontairement, au repêchage des mines dérivantes. C’est ainsi que deux dundees se sont déjà perdus corps et biens au large de l’île d’Oléron, en relevant une mine dans leurs filets. J’apprends enfin, en rédigeant ces lignes, qu’un troisième dundee, la Marie, des Sables-d’Olonne, vient de sombrer avec son équipage pour avoir lui aussi dragué une mine dans son chalut. Le ministre de la Marine, désireux de reconnaître et d’encourager ces modestes artisans de l’œuvre de défense nationale, vient, dans une circulaire récente, de promettre des primes, dont le taux peut atteindre des chiffres élevés, à tous les équipages qui apporteraient des indications intéressantes concernant la position des champs de mines, ou la présence des sous-marins.

J’ai passé en revue les services de toute nature que la marine marchande avait rendus à la France pour « soutenir la guerre. » Pendant que les armateurs ont donné au pays, dans un dessein purement militaire, la fraction la plus précieuse de leur flotte, celle qui reste à leur disposition continue, en dépit de tous les périls, l’exploitation intensive de la mer. Même dans ce rôle commercial, nos steamers, las de recevoir les coups sans les rendre, apportent à notre marine de guerre des élémens de résistance sérieux dans sa lutte contre les sous-marins ennemis.

Voilà vraisemblablement la raison pour laquelle nous avons eu peu de sinistres à enregistrer dans la période qui a suivi l’adoption de ces mesures énergiques d’armement de nos navires de commerce. J’ai appris avec une réelle satisfaction qu’à plusieurs reprises des paquebots avaient bravement ouvert le feu contre les sous-marins, échappant ainsi à leurs coups. Exemple : le Karnak et le Tafna qui, dans le courant de janvier, se sont mesurés avec un submersible allemand. On prétend même que le La Plata aurait réussi à couler son agresseur. Depuis qu’on les traite en pirates, depuis qu’ils savent que chaque navire marchand est résolu à se défendre jusqu’à la