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l’équipage de se sauver. Nous avions fait preuve, vis-à-vis de nos adversaires, d’une confiance dont ils auraient dû nous savoir gré, sinon par esprit de générosité, du moins parce qu’elle cadrait avec leurs propres intérêts. Comme les sous-marins étaient assurés de ne rencontrer aucune résistance de la part de ces navires, ils n’avaient aucune précaution à prendre pour les détruire. Ils pouvaient donc les attaquer en surface, ce qui représentait pour eux d’énormes avantages. En plongée, un sous-marin marche moins vite que le bâtiment à attaquer, fût-il cargo-boat ; il faut qu’il se place à l’affût pour lancer sa torpille, et, dès que le périscope est aperçu, le navire menacé peut manœuvrer pour éviter de tomber sous la trajectoire. Enfin, une attaque en immersion nécessite la consommation d’une ou plusieurs torpilles, et l’approvisionnement de ces appareils compliqués, — dont la construction exige plusieurs semaines, — n’est pas illimité comme celui des munitions des pièces de 88 millimètres qu’emploient les submersibles allemands. Bref, c’est un axiome que, réduite à l’attaque en plongée, la campagne ennemie contre la flotte de commerce perd beaucoup de son efficacité.

Les Allemands ont profité longtemps d’une situation due à notre excessive longanimité. Ils ont détruit le Calvados [1] et l’Amiral-Hamelin dans des conditions particulièrement atroces. Pour ce dernier transport, ils ont poussé l’impudence jusqu’à prétendre que celui-ci avait ouvert le feu le premier sur son agresseur. Les déprédations commises par les pirates teutons dans notre flotte réquisitionnée furent telles que l’on fut bien forcé, tout en leur conservant leur caractère commercial, de prendre des mesures de sauvegarde. Nos transports auxiliaires furent ainsi compris dans la décision générale d’après laquelle nos navires marchands durent être armés, décision dont il me reste à parler. Je ne comprends pas encore pourquoi nos ennemis ont provoqué ce changement dans un état de choses dont ils tiraient tous les bénéfices, pour le seul plaisir d’assassiner des marins du commerce.

  1. Les marins allemands ont insulté les naufragés de ce transport coulé devant Mostaganem.