Conseil d’État ne se reconnaît pas le droit d’interpréter, encore moins de modifier les intentions du législateur. Il se borne à fournir les moyens pratiques de mettre la loi en vigueur et à édicter à cet effet un certain nombre de règles ; mais il se garde bien de trancher à l’avance les litiges qu’il sera plus tard appelé à juger en dernier ressort comme tribunal administratif suprême. En commentant la loi, il donne simplement un avis ; à cet effet, il doit suivre pas à pas le texte qui lui est soumis et dont il ne s’écarte pas. Le gouvernement lui-même a eu le sentiment des obscurités qui subsistaient, puisqu’il a fait suivre la publication, au Journal officiel, du règlement d’administration publique d’une note explicative, destinée à fournir aux contribuables des renseignemens complémentaires. Nous le demandons à tout homme préoccupé de la bonne marche des affaires publiques : est-il admissible qu’une loi ait besoin de ces commentaires successifs pour devenir intelligible et pouvoir être appliquée ?
On dirait qu’un vice originaire pèse sur elle : ce soi-disant impôt sur le revenu n’est qu’une superposition à tous les impôts sur les revenus qui existent déjà en France. C’est ce qui explique à la fois l’étroitesse de sa base (nous avons montré combien sont peu nombreux ceux qu’il atteindra réellement), les réductions consenties à la plupart des assujettis, et enfin la modestie apparente de son taux. Il est bien évident que, surtout aujourd’hui, en pleine guerre, un prélèvement de 2 pour 100 semble à l’abri de toute critique ; mais si l’on considère que ces 2 pour 100 s’ajoutent à des taxes qui amputent jusqu’à 17 pour 100 du coupon des valeurs mobilières, à un impôt foncier qui, dans beaucoup de cas, s’élève au même chiffre, à des patentes souvent élevées, à l’impôt spécial qui atteint le revenu des valeurs étrangères non abonnées et des fonds d’Etat étrangers, on cesse de s’extasier sur la mansuétude du législateur. On est au contraire fondé à redouter les conséquences suivantes : à cause de la division des fortunes et de la modicité des patrimoines moyens en France, peu de revenus seront frappés ; les contestations inévitables qui s’élèveront entre le fisc et les contribuables sur la question de savoir qui sera assujetti, et pour quelle somme, créeront un sentiment de malaise général.
D’autre part, les Chambres qui avaient cru trouver, grâce à