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pacifique et sûre où tout peuple ait son indépendance et où aucun n’ait l’empire ; si de cet état de choses résulte une période de labeur fécond, d’émulation sans rivalité et de prospérité et de bonheur, ou du moins de bien-être, pour le genre humain, Francis Charmes, n’en doutons pas, sera compté par la voix de l’histoire au nombre des préparateurs, modestes mais considérables, de ces grands effets et la reconnaissance des peuples ira vers le groupe (anonyme peut-être pour eux, mais qu’importe ?) des hommes de bonne volonté, de grand labeur et d’ardente foi dont il aura voulu être et dont il aura été.

Nous qui saurons son nom et qui aurons eu le bonheur de le connaître, nous garderons son souvenir comme un réconfort et comme un exemple et comme un viatique. Il nous sera une conscience. Tenant la plume, prenant la parole ou simplement nous mêlant aux entretiens des hommes, nous nous dirons, selon les cas : « Francis Charmes m’eût approuvé ; » ou : « Francis Charmes n’aurait peut-être pas été content de moi. » Cette façon de se survivre est réservée aux grands honnêtes gens et c’est quand on a été une belle conscience pour soi-même qu’on mérite d’être la conscience des autres et qu’en effet, tout naturellement, comme tout justement, cela nous arrive.

Et c’est ainsi que Francis Charmes continuera à vivre parmi nous et continuera à rendre des services à ce pays qu’il a tant aimé. La France elle-même, la France en possession d’une victoire qu’il n’aura pas eu le bonheur de voir, la France généreuse et libérale, — et j’espère bien que désormais cette France-ci sera la France tout entière, — gardera pieusement le nom de Francis Charmes, avec affection et reconnaissance, le gardera maternellement, parmi ceux des meilleurs et des plus nobles de ses enfans.


EMILE FAGUET.