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connu d’elle, a eu en lui un chef, une pensée centrale et dirigeante, une âme sensiblement ou insensiblement opérante, une source discrète, à demi cachée, mais perpétuellement féconde et vivifiante. Il y a, il y aura quelque chose de la pensée de Charmes dans tout vote qui est émis, qui sera émis dans le sens de la liberté, de l’équité, du respect des droits, du respect des bonnes volontés, du respect des consciences. Et il n’y a pas plus belle récompense d’une belle vie que de laisser ainsi comme un héritage de bonnes pensées se transformant en actes bons et utiles au pays aimé.

D’autre part, je crois que son influence a été grande aussi et salutaire à l’étranger. Cette France sage, généreuse, libérale, avisée, prudente, éloignée des chimères, qui existe et dont, autour de nous, nous constatons tous les jours la présence, il a persuadé aux étrangers qu’elle existait. Il en a fait comme la démonstration et l’expérimentation sous les yeux de l’étranger. Il était beaucoup lu, je le sais, et beaucoup, pour ainsi parler, consulté au delà des frontières ; car on savait qu’il exprimait la pensée d’une partie très considérable du peuple français. Or, par sa manière d’envisager les faits politiques de l’Europe et du monde, il disait à l’Europe et à l’univers que la France n’était désormais un danger pour personne et était une utilité pour tout le monde, était un bien international ; qu’à jamais guérie de l’esprit d’ambition et de conquête, elle ne voulait que l’équilibre européen, que, par conséquent, de cet équilibre, elle était le soutien comme le garant, et que l’Europe entière, sans parler de l’au-delà, était intéressée à la vitalité et à la grandeur de la France.

Il disait ces choses que les faits devaient prouver si justes ; il les disait en suivant au jour le jour les événemens et les incidens et il aidait ainsi les événemens à préparer la grande alliance entre les peuples qui ne veulent aussi que l’indépendance et l’autonomie des peuples européens. Cette alliance à laquelle les destinées du monde sont attachées, cette alliance dont dépend toute l’histoire future, c’est la force des choses qui l’a faite ; mais la force des persuasions y a aidé et dans cette force des persuasions Francis Charmes a une très large part.

Si donc, de quoi je ne doute point, la victoire définitive et durable reste aux défenseurs du droit et aux champions du monde, si cette victoire achemine l’Europe vers une constitution