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Journal des Débats et à la Revue des Deux Mondes, dont Francis Charmes paraissait et paraîtra toujours inséparable.

Il fut un bon académicien, fort assidu, fort attentif et, quoique très discret, là comme partout, donnant souvent des avis très importans et très précieux, soit sur telle conduite à tenir, soit sur telle question concernant cette langue française qu’il connaissait si bien et qu’il aimait tant à servir et qu’il aimait tant qu’on ne lésât point. L’Académie, comme toutes les maisons qui ont eu l’honneur de l’accueillir, gardera de lui un souvenir où l’affection se mêlera à la gratitude.


Il prenait des années ; car on ne peut employer le mot vieillir en parlant de lui, tant le temps épargnait et sa personne physique et sa personne intellectuelle ; il prenait des années en souriant et sans les compter. Plus que jamais il était affectueux, accueillant et gracieux dans ses manières et dans ses propos, avec une discrétion, une délicatesse et un tact qui mettaient comme la dernière main et le dernier lustre à ses profondes qualités d’honnête homme. Sa conversation était charmante. S’il est vrai, comme l’a dit quelqu’un qui était fort spirituel, mais que je soupçonne d’avoir aimé à parler, que la première qualité d’un causeur est de savoir écouter, il était déjà par là un causeur bien remarquable ; mais il savait écouter et il savait interroger et il savait répondre ; et voilà, je crois, les trois points essentiels de « l’art de conférer, » comme disait Montaigne. Il avait l’interrogation utile et agréable, celle qui déjà répond à moitié et vous suggère ce que vous songiez inconsciemment à dire, mais qui, s’il était déjà un peu dans votre esprit, ne serait pas venu à vos lèvres sans ce secours. Et il avait le mot spirituel, jamais caustique, toujours juste et placé avec une parfaite exactitude. Il ne passait jamais à côté ni de la question, ni de sa pensée. Ses paroles étaient des lumières vives et douces, qui s’allumaient juste quand il fallait et qui s’éteignaient avec discrétion pour rejaillir quand on désirait qu’elles reparussent.

Il se connaissait bien. Quand on parvenait un instant à lui faire dire un mot de lui, c’était une vive lumière jetée sur ce caractère heureux et qui le faisait aimer davantage. Comme je le félicitais sur sa modération en toutes choses : « Mais la modération,