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moyen français. Assurément on ne peut espérer obtenir dans la grande culture des résultats comparables à ceux-ci qui ont été obtenus par la transplantation dans des expériences soignées et limitées. Mais quelles magnifiques espérances une telle fécondité ne nous fait-elle pas entrevoir !

Quelles sont donc les conditions phénoménales qui laissent varier dans de telles proportions les rendemens en blé ? L’expérimentation scientifique nous permet de les définir. La terre est comme un laboratoire où, sous des influences variées et que nous allons passer en revoie, se fabriquent et se nourrissent les végétaux, à l’aide d’élémens empruntés au sol lui-même et à l’atmosphère. Dans ce que M. le sénateur Rey a appelé heureusement « l’usine végétale, » l’expérience prouve tout d’abord que l’air joue un rôle considérable et essentiel. Depuis des dizaines de siècles, le travail destiné à fertiliser le sol est le travail par excellence, le labour. Que fait donc le laboureur, le travailleur, avec sa charrue ? Il ouvre le sol et le rend propre à emmagasiner l’eau, il le retourne et le subdivise et y fait pénétrer l’air. Ces opérations empiriques qui ont pour effet de fertiliser le sol, on sait aujourd’hui quelle est leur raison d’être, et la science nous a dit le pourquoi de ces choses dont l’humanité penchée pendant des milliers d’années sur la terre nourricière avait à tâtons appris le comment.

Toutes les conditions qui améliorent la nutrition des plantes augmentent du même coup leur fécondité. Celle-ci n’est fonction que de celle-là. C’est une chose bien curieuse que la nutrition des céréales. Les lumières récentes que la chimie agricole et la microbiologie ont projetées dans ce domaine nous ont ouvert des horizons étranges sur le cycle de la vie organisée, et cette sorte de métamorphose circulaire qui transmute indéfiniment la substance des végétaux en celle des animaux, ceux-ci enfin en matières minérales qui seules entretiennent la vie des plantes. Comme les coureurs antiques dans le stade, ces trois formes de l’être sensible se passent sans fin le flambeau de la vie. En ce qui concerne plus particulièrement la nutrition des végétaux qui nous donnent le pain, on a établi avec certitude que les élémens dont ils ont besoin pour vivre, croître, et se multiplier, oxygène, azote, carbone, hydrogène, phosphore... (ils sont quatorze en tout) ne sont assimilables par eux que sous la forme de certains composés exclusivement minéraux. Les plantes, contrairement aux animaux (parmi lesquels il faut bien, hélas ! que nous nous rangions de temps en temps et notamment lorsqu’il est question de nourriture), ne peuvent se nourrir de substances organisées. Il est prouvé qu’avant de servir