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ont visité cette œuvre de paix réalisée en pleine guerre, dont le succès aura une heureuse influence sur le prochain avenir économique du Maroc.

Nous donnons ainsi aux indigènes l’impression d’une force tranquille et sûre, gage unique, mais certain, de leur fidélité.

Mais il est encore un autre profit que nous tirons, dès aujourd’hui, de la politique suivie par nous dans l’Empire chérifien. Pour être purement moral, ce profit n’en est pas moins inappréciable.

Le monde admire la magnifique résistance que notre pays sut opposer à l’agression allemande. Il s’étonnera bientôt, quand le temps de la réflexion sera venu, que nous ayons pu trouver, dans les circonstances tragiques où nous étions, la force matérielle et l’impassibilité d’âme nécessaires pour continuer la grande œuvre de pacification et de civilisation si récemment entamée par nous dans le Maroc barbare.

Et pour rester dans le domaine des faits pratiques, quand viendra le jour inéluctable du règlement des comptes, nous pourrons montrer aux belligérans le Protectorat indemne de tous dommages. Nous ne l’aurons pas abandonné un seul instant, aucun des intérêts qui s’y étaient engagés sous notre garantie n’aura souffert des événemens.

Nous n’aurons donc, désormais, plus rien à solliciter dans cette terre devenue française, nous pourrons au contraire nous y prévaloir de droits nouveaux à la gratitude de l’Europe.

Or, nous aurons obtenu au prix de risques insignifians ces magnifiques résultats matériels et moraux. Aussi le pays devra-t-il se souvenir avec reconnaissance de ceux de ses bons serviteurs qui lui ont conservé le Maroc.

Leur destin les tenait éloignés de la frontière envahie. Ils ont su accomplir ce qui était leur devoir, sans hésiter et sans faiblir. Leur rôle fut toujours pénible et souvent périlleux. Le ministre de la Guerre avait donc raison d’écrire à leur chef : « Dites à celles de vos admirables troupes qui restent que le pays comprend toute l’étendue du sacrifice qu’il leur demande. »

S’il fut considérable, personne ne peut ignorer combien aussi fut fécond ce sacrifice, et c’est la meilleure récompense de ceux qui l’ont consenti. !


D’ANFREVILLE DE LA SALLE.