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venir 27 000 hommes de France et d’Algérie, sans parler des contingens coloniaux. Le dernier accord franco-allemand nous permettant de supposer que nous avions dorénavant les mains libres, l’importance de notre corps expéditionnaire s’accrut rapidement au point d’atteindre 75 000 hommes, en y comptant 12 000 hommes de troupes auxiliaires marocaines.

On pouvait donc penser alors que la conquête du Maroc exigerait, pendant un certain nombre d’années, l’emploi d’une très notable partie de nos forces métropolitaines. Mais, grâce au chef dont nous avions doté le Protectorat, les zones pacifiées s’étendirent rapidement. Il était toutefois d’autant moins possible de songer à réduire nos effectifs avant longtemps, que l’œuvre devenait de plus en plus difficile, à mesure qu’on pénétrait davantage vers l’intérieur.

Nous avions à peine abordé le Moyen-Atlas. Les crêtes les plus élevées, les régions les plus sauvages restaient à conquérir. Notre prise de possession de Kénifra, que 200 kilomètres séparent à vol d’oiseau de l’Océan, date du 12 juin 1914. Il nous fallait encore traverser une zone d’égale largeur où les altitudes atteignent 4 000 mètres, pour tenir le pays tout entier, de l’Ouest à l’Est.

Aussi beaucoup estimaient-ils, chez nous comme en Allemagne, que le Maroc serait pour notre armée, en cas de guerre européenne, une cause de véritable faiblesse. Cet argument avait longtemps été utilisé à Paris par les adversaires de toute intervention dans l’Empire chérifien. Et dès que la tension diplomatique fit prévoir aux plus optimistes de graves événemens prochains, le gouvernement dut naturellement envisager l’éventualité d’une évacuation au moins partielle du Protectorat. Le bruit de l’adoption d’une détermination de ce genre courut du moins avec persistance dans divers milieux français du Maroc, pendant les quelques jours d’incertitude qui précédèrent le début des hostilités.

Et tel fut le rôle de l’Empire chérifien dans cette période de l’histoire qu’on a pu appeler « l’avant-guerre. »


Que furent les instructions précises données au Résident général dans ces momens critiques ? Ceci est encore le secret des bureaux, mais on en dévoilera bien quelque jour tous les détails.

On peut du moins supposer a priori que l’idée d’une évacuation totale de la zone française n’a jamais dû effleurer l’esprit