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ici, bien entendu, de la cavalerie, ni même de l’artillerie de campagne, mais qu’il s’agisse de convois de vivres et de munitions à transporter, ou a fortiori de déplacemens de corps entiers à effectuer rapidement d’un point à l’autre du front, les tracteurs ou véhicules automobiles de tous genres rendent, au point de vue de la puissance et de la rapidité, des services qu’on ne saurait attendre des chevaux. On sait que les autobus parisiens ont été particulièrement précieux : très robustes, ils transportaient en général jusqu’au front la viande fraîche, parfois aussi les hommes, quand le rendement des voies ferrées se trouvait insuffisant pour un mouvement stratégique urgent et de grande ampleur comme il s’en est souvent produit au cours de cette guerre, avec un front s’étendant sur plusieurs centaines de kilomètres. Des voitures réquisitionnées de toute espèce ont circulé ainsi toute l’année ; parmi elles, plusieurs milliers avaient été commandées par les Allemands aux États-Unis ; grâce à notre maîtrise des mers, c’est nous qui en avons pris livraison et les utilisons contre eux.

Il faut aussi se garder d’oublier cet automobilisme aérien, qui a rendu de tels services comme instrument de reconnaissance et de combat. Il est nécessaire d’alimenter tous ces moteurs, elle ravitaillement de ces millions de chevaux-vapeur, s’il cause moins d’encombrement que celui des chevaux en chair et en os, ne va pas sans créer cependant quelques difficultés. Heureusement, nous n’avons jamais manqué de pétrole ni d’essence, ce combustible de l’avenir, dont le rôle déjà immense dans cette guerre ne fera que croître, sur terre comme sur mer. Il en faut d’énormes réserves pour satisfaire, en dehors du ravitaillement régulier, aux demandes éventuelles, parfois considérables, qui peuvent être adressées d’urgence à la station-magasin. Aussi, dans un endroit isolé, de crainte d’incendie, s’entassent les bidons, les caisses et les fûts de toutes formes et de toutes marques, essence, pétrole, huile, graisses diverses, carbure de calcium pour l’éclairage à l’acétylène. Tout cela, soigneusement bâché pour éviter soit la lente infiltration de l’eau dans les bidons par temps de pluie, soit l’incendie causé par une flammèche, est rangé en tas immenses qui forment, suivant les catégories d’ingrédiens, des sortes de quartiers avec de petites rues tracées au cordeau et se coupant à angle droit comme les quartiers neufs des villes.