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les jambons, les conserves de tout genre, homards, poissons, légumes, tomates, etc., le tout réparti en lots soigneusement étiquetés et qui forment de vrais monticules s’élevant souvent jusqu’au toit des hangars qui les abritent.

Une dernière denrée qui, pour n’être pas alimentaire, n’en est pas moins considérée par beaucoup d’hommes comme un objet de première nécessité, c’est le tabac. On en a fait dans les tranchées une consommation considérable, beaucoup de ceux-là mêmes qui ne fumaient pas s’étant mis à faire comme leurs camarades. A quinze grammes par homme, c’est par milliers de kilogrammes que se chiffrait la consommation quotidienne de chaque armée, et c’étaient chaque semaine des wagons entiers des tabacs les plus variés qui s’acheminaient vers le front, depuis le caporal ordinaire jusqu’aux cigarettes algériennes pour les troupes d’Afrique, en passant par le tabac à priser, qui fut quelquefois réclamé lui aussi ; seul le traditionnel tabac à chiquer de nos marins ne l’a pas été jusqu’ici.


Tout ceci ne vise que les hommes ; mais ils ne sont pas les seuls qu’il faille entretenir à l’armée, et le ravitaillement des chevaux, quand ils se dénombrent par 80 à 100 000, n’est pas non plus une opération de petite importance.

En ce qui concerne les fourrages, pour éviter l’encombrement des wagons et des lignes, les stations-magasins ne reçoivent et n’expédient en principe que du foin pressé en balles : il tient deux ou trois fois moins de place que le foin bottelé et a de plus le grand avantage de se laisser beaucoup moins pénétrer par la pluie. Il existait, dès le temps de paix, un certain nombre d’ateliers de pressage répartis dans les régions productrices de fourrages, et il a fallu, au cours de la guerre, multiplier ces installations.

Mais c’est l’avoine qui, à un certain moment, a causé le plus de difficultés. Les réserves excessives faites par beaucoup de cultivateurs, les spéculations de certains acquéreurs, jointes à l’impossibilité de recevoir des grains de Russie, avaient fait notablement augmenter le prix des avoines. Aussi prit-on le parti, après le premier mois de guerre, de recourir au mélange de cette denrée avec d’autres dans des proportions variant de un tiers aux deux tiers : riz non décortiqué (paddy),