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brigadier, deux pétrisseurs et un aide, donne théoriquement un rendement de cent-quatre-vingts rations par fournée, en pratique plutôt cent-soixante-dix ; ce qui fait dix-sept cents rations par four et par jour. Pour deux cent mille rations journalières, il faudra donc un groupe d’environ cent vingt fours.

La quantité de farine nécessaire pour mille rations de pain est d’un peu plus d’une tonne, soit 110 000 kilos pour 200 000 rations ; il faut à peu près dix fois moins de sel, soit 10 000 kilos, et environ 30 000 kilos de bois sec, ce qui donne, pour le chiffre de 200 000 rations, un poids total de matières premières d’environ 150 000 kilos. Bien entendu, l’eau nécessaire à la fabrication (75 000 litres) n’est pas comptée dans ce chiffre ; elle est fournie par le service d’eau urbain, au moyen de conduites spécialement posées à cet effet, s’il n’en existait pas à l’emplacement choisi pour l’installation des fours.

Il est facile, d’après ces chiffres, de se représenter les complications et le coût du transport des matières premières quand la boulangerie de guerre ne se trouve pas tout à proximité d’une gare ou d’un embranchement de la voie ferrée permettant de décharger sur place l’énorme stock nécessaire de farine, sel et bois. On se rend compte aussi de l’importance de cette sorte de grande usine qu’est la boulangerie de guerre d’une station-magasin, où travaillent jour et nuit plusieurs centaines d’hommes. C’est un coup d’œil impressionnant, la nuit, de voir, à la lumière de ces multiples lampes électriques qu’il a fallu installer partout, sous les tentes et dans les allées, circuler les centaines d’hommes de cette énorme ruche, la plupart nus jusqu’à la ceinture-, debout devant la gueule rougeoyante des fours, ou transportant dans des civières ou sur des wagonnets le pain tout brûlant encore.

Aussitôt le pain défourné, il est porté, en général grâce à un petit chemin de fer Decauville, dans la paneterie ; soigneusement rangé sur des étagères à claire-voie et bien aéré, il y subit un ressuage de trente-six à quarante-huit heures pour faire disparaître l’humidité qui nuirait à sa conservation. Si la station-magasin doit fournir quotidiennement 200 000 rations de pain, elle en aura donc toujours 3 à 400 000 sur étagères, sans compter une avance d’un jour chargée sur wagons. Cette avance est nécessaire pour parer à tout imprévu : demande d’un gros ravitaillement éventuel, ou, au début, quand les