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surtout de Henri de van de Velde... C’est de Muthesius, à la fois artiste et administrateur, et qui a pendant un temps étudié à fond l’organisation de l’enseignement industriel en Angleterre, que part, dans ce qu’elle a d’essentiel, la réforme radicale des écoles allemandes d’art industriel... »

La seule prétention des artistes d’outre-Rhin est d’avoir adapté aux conditions économiques de la foule et aux moyens de production mécanique, les idées venues d’Angleterre : « Le large esprit de réforme éthico-esthétique, dit le même auteur, à la conscience duquel se sont éveillés les temps nouveaux, dans les ateliers professionnels du groupe Morris ou aux tables de travail du groupe Ruskin, et qui s’est ensuite modernisé, socialisé, individualisé en Belgique d’une façon décisive, a pris, dans l’Allemagne contemporaine, un tel élan de croissance qu’il y régit en grande puissance l’Industrie, le Commerce et l’Art [1]. » Cette prétention même est insoutenable. L’Angleterre avait donné, bien avant l’Allemagne, des exemples de cottages, de portails, de meubles, d’aménagement et de décoration intérieurs, fort simples et fort bon marché, du moins pour les bourses anglaises. Des architectes comme Baillie Scott et Voysey avaient travaillé dans ce sens bien avant les Allemands et Voysey avait même fait la théorie de cette pratique. On ne sait ce que signifient ces mots « modernisé, socialisé en Belgique, » lorsqu’on observe que ce souci de l’esthétique ne s’est pas arrêté, chez les Anglais, aux classes supérieures, mais qu’il a été porté, depuis bien longtemps, dans les projets d’habitations ouvrières et, depuis vingt ans, dans l’organisation des immenses garden-cities, qui sont des modèles. Tout ce que les Allemands ont de bon, dans cet ordre de choses, est anglais.

Un seul caractère nouveau se révèle dans les récentes constructions allemandes : le colossal ou le cyclopéen. Certes, ce caractère n’est pas nouveau dans l’architecture monumentale et commémorative, ni dans la statuaire qui en fait partie intégrante. La Germania du Niederwald, le monument de Barberousse et de Guillaume Ier, sur le Kyfflaüser, en Thuringe, par Geiger ; la statue d’Arminius, dans la forêt de Teutoburg ; la statue colossale de Bismarck, bien d’autres gigantesques entassemens de pierres ou de bronze avaient, dès longtemps, révélé ce

  1. Karl Scheffer. L’Industrie d’art en Allemagne. Catalogue officiel de la section allemande. Exposition universelle de Bruxelles, 1910.