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sombre et trapu, c’est tout simplement anglais. L’ensemble, abstraction faite des rares souvenirs du XVIIIe siècle, donne l’impression de quelque chose d’étoffé, de rabattu sur le sol, de dur et de géométrique, de « cubique, » en un mot, — ce mot étant le seul qui transpose, en une notion intellectuelle, pour le lecteur, l’ensemble des sensations que le visiteur a éprouvées.

Aussi, le meuble et la décoration intérieure, en Allemagne, ont-ils encore abouti à un échec. Nous en avons vu quelque chose, en 1910, à Paris, au Salon d’automne, dans les salles de l’Exposition des arts décoratifs de Munich. Il fallut, à cette époque, tout l’engouement irraisonné qu’on professait à l’égard des innovations exotiques pour se dissimuler la pauvreté de cette œuvre.

Mais il en va tout autrement de l’architecture même et de la décoration extérieure. Quand on parle du « goût décoratif » des Allemands, il ne faut point en juger par celui que la femme allemande déploie dans ses toilettes. Il ne faut pas en juger, non plus, par les articles de « camelote » débités dans le monde entier et tellement adaptés au goût des foules de tous les pays que, le plus souvent, ces foules la croient marchandise nationale. Une autre opinion tout aussi erronée est que l’architecture allemande se reconnaîtrait à sa surabondance d’ornemens parasites, à son faux luxe, à ses entassemens de figures et de surplombs. C’est juste le contraire qui est vrai. L’édifice allemand contemporain se reconnaît à ce qu’il y a, dans sa construction, de sobre, de massif et de sévère, — disons même de triste, et c’est son plus grand défaut. De grandes surfaces plates et nues, encadrées de hautes tiges droites, du sol aux combles, où les pleins l’emportent de beaucoup sur les vides, où les ornemens n’apparaissent que par petits groupes et généralement en retrait, au lieu d’être en saillie, les colonnes mêmes rentrantes dans le plan des façades, une matière très dure et compacte, des toits tombant très bas et encapuchonnant l’édifice : — voilà son caractère évident. Rien n’est plus éloigné du rococo, du Zwinger de Dresde ou des fantaisies de Louis II de Bavière. C’est une réaction totale, hautaine, brutale même contre tout ce que l’Allemagne, francisée au XVIIIe siècle, adora.

C’est ce qu’on trouve, par exemple, dans la Surintendance de Dresde, bâtie par Schilling et Graebner, dans le château Zlin, à Mähren, bâti par Léopol Bauer, dans les maisons bâties