Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 32.djvu/110

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

messe a été dite par le curé et l’oraison funèbre du chanoine fut médiocre...


Dimanche 22 octobre.

Est-il possible, mon Dieu ! que cette date soit la dernière que je place à Arenenberg ! Je croyais y vivre et y mourir !... Ce matin, j’ai emballé, en attendant la messe à laquelle j’ai été à dix heures à Maunbach. M. Visconti y était, Mme Salvage et Élisa sont arrivées tard. Mme de Crenay a été étonnée que le Prince et ces autres Messieurs eussent été de préférence à Ermetingen. C’était parce que le Prince avait envoyé chercher M. Kern, avec lequel il a de grandes affaires, avec Mme Salvage. Elle est arrivée rouge comme un coq à déjeuner, — ce sont les affaires du testament... Le Prince était absent (lorsque la Reine a écrit ses dernières volontés ; elle laissait aux soins de Mme Salvage ses Mémoires et d’autres choses qui ne sont pas de son ressort. Une fois le Prince présent, il rentre dans ses droits pour arranger ses affaires comme il l’entend, et l’importance de l’exécutrice testamentaire est diminuée d’autant. Mme Salvage ne pouvait en prendre son parti, et M. Kern avait dû, comme avocat, venir trancher la question débattue entre elle et le Prince.

Je suis revenue à mes emballages que j’ai enfin terminés. J’ai achevé une lettre à la maréchale Ney, à laquelle j’envoie des cheveux de la Reine. Puis je suis descendue pour dire adieu à Mme de Crenay. Louise m’a donné une petite bague pour souvenir. J’ai dit : « Au revoir, à Paris, » — sans l’espérer, j’aime mieux cela que des adieux. Quand elles ont été parties, le Prince m’a suivie sur l’escalier pour me demander où je désire toucher ma pension. Pour ne pas lui donner d’embarras, j’ai dit : A Paris, chez M. Noël. Je lui ai encore parlé de Maunbach. Il a pris bien la chose et m’a promis de m’écrire comment le départ de ces dames finira.

Je pars à six heures. Le cœur m’en saigne. J’ai donné une petite bourse à M. de Querelles, un cachet à Conneau... Je me sens comme pétrifiée, j’agis machinalement, poussée comme par un ressort à m’éloigner d’ici où tant d’affectueux souvenirs me retiennent. Au comble du malheur, l’agitation cesse.


VALÉRIE MASUYER.