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pas s’en aller qu’on ne le chasse de force... A déjeuner, j’ai trouvé le Prince occupé d’un article malveillant de l’Allgemeine Zeitung. Le Prince a reçu hier une lettre d’Amérique où on lui dit qu’on a reçu une lettre de M. Arese, qui s’amuse beaucoup en voyage et compte être de retour à New-York à la mi-octobre. D’après cela, j’espère qu’il sera ici avant deux mois. Le Prince m’a encore donné des romances de sa mère, en les rangeant. M. Cottrau commence le portrait de l’Empereur pour M. Tascher. Il ne sait qu’inventer pour rester ici...


Jeudi 19 octobre.

J’ai été dire adieu à Mme de Lindsey, à laquelle le chanoine venait de lire son oraison funèbre de la Reine... Élisa est revenue avec une lettre de Mlle de Beauharnais, qui lui disait que la permission est accordée. Le Prince la recevait en même temps en des termes fort polis : on enverra des passeports pour les personnes qui accompagneront. M. Tascher part demain pour Munich, il ne pense revenir et partir avec le corps que le 1er novembre. Cela me donnerait la possibilité d’y arriver en même temps, et me ferait plaisir de rendre ce dernier devoir à ma pauvre Reine. Mme de Crenay ne parle que du bonheur qu’elle aurait à passer l’hiver ici...

Après le déjeuner, le Prince m’ayant demandé mes brouillons des Mémoires de Mme Parquin, je lui ai porté ces quatre gros volumes, mon travail de quatre ans, pour le brûler. Cela m’a fait de la peine, j’aurais voulu les conserver. Nous avons causé un peu. Il est faux que le général Voirol ait été de la conspiration. Ainsi, Mme Salvage a menti. Je me suis un peu trop lâchée à parler d’elle. Pourtant, le Prince ne l’a pas mal pris. Il se chamaille avec elle ; elle fait l’huissier priseur. Il me donnera une assurance de ma rente, mais il ne veut pas que j’en parle à personne ; il ne le fait pas pour les autres pensions... Il en veut toujours à ma sœur pour ces affaires de Strasbourg. Elisa, avec qui j’ai causé après, m’a dit que ce reflet était très fâcheux pour moi et qu’aucun des amis du Prince ne viendrait me voir à Paris, si je demeurais avec mon beau-frère, etc. Le Prince a porté brûler les restes des papiers au four. Je crains bien que cela n’ait pas été fait discrètement, car, jusqu’au Dernier Jugement, je nierai avoir participé en rien à ces Mémoires.