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leur fait. Il était sorti à cheval, j’ai continué la besogne avec M. Tascher, et je descendais gelée quand le Prince a reparu, il est venu se chauffer avec nous, et nous lui avons prêché l’économie. Il s’est bientôt enfui pour se promener, disait-il, mais autant peut-être pour éviter de se trouver avec moi que pour courir ailleurs....Le Prince était moins triste ce soir et rêvait à Mlle Louise, je lui ai fait bien peur en lui disant que j’aurais voulu rester pour aider Me Burre à mettre tout en ordre ; qu’il se rassure, je partirai... Comme il a quitté le salon de bonne heure, j’en ai fait autant.


... Je ne veux plus avoir rien de commun avec personne ici... Mmes de Crenay sont venues. Le Prince les a reconduites avec Mme Salvage. Elisa devine que c’est la présence de ces dames qui fait désirer au Prince d’être seul ici. A présent, ces dames ne parlent plus de partir, et, probablement, elles resteront fort longtemps. Mme de Graimberg m’a conté que pendant qu’elle était à Maunbach, chaque matin, à sept heures, Mlle Louise allait seule se promener dans le petit bois. Elle ne doute pas que ce ne fût pour y retrouver le Prince et que Mme de Crenay le savait. Elle voit là un piège pour lui faire épouser cette jeune fille, — ce que sa mère n’eût pas approuvé, — et elle prétend qu’il est de mon devoir de prévenir le Prince. L’oserai-je ?


Samedi 14 octobre.

Conneau, qui m’apportait des cheveux de la Reine, est venu me voir ce matin. Le Prince, voulait que j’emportasse toute la musique de sa mère. C’est une collection de partitions des plus complètes et des plus considérables. Cela doit avoir de la valeur, et je l’ai refusée comme tout ce qu’il m’a offert. Il ouvrait devant moi les coffres où étaient les dentelles et les fourrures de sa mère, en me pressant d’y prendre tout ce qui me ferait plaisir. Je l’ai remercié en le priant notamment de n’en rien distraire pour personne : « Vous vous marierez, mon Prince, et, dans votre situation de fortune, il vous sera agréable d’offrir toutes ces choses à une jeune femme qui les appréciera ; il vous faudrait des sommes folles pour les remplacer. »