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pu me soupçonner pour ses rentes d’Espagne, ou me croire complice de qui que ce fût contre lui ? Nous sommes revenus sur les affaires de Strasbourg. Il pense, d’après le procès, que, mon beau-frère ayant fait la dénonciation de M. Raindré et ayant envoyé sa femme ici après, c’était pour l’espionner ! Cela venait à me croire la complice d’une telle indignité, moi si vraie, si dévouée, si désintéressée, est-ce ainsi que je devais être jugée jamais, et par qui ? par le Prince que j’aime tant, et après avoir passé sept ans de ma vie avec lui ! Ah ! que sa pauvre mère me rendait mieux la justice que je méritais ! J’ai fondu en larmes et je lui ai dit avec bien de l’amertume qu’il était affreux qu’il ait pu avoir des idées pareilles sur mon compte. Je ne saurais me rappeler tout ce que nous avons dit pendant cette longue conversation dont le souvenir me sera longtemps pénible. Je suis rentrée chez moi si affligée et, en même temps, si malade de mon irritation de poitrine que je me suis mise au lit, écrasée de tant de souffrances morales et physiques. Moi qui avais toujours compté sur l’amitié, sur la justice du Prince, en être soupçonnée ainsi, c’était affreux et, encore à présent, j’en suis oppressée...

J’étais seule après diner lorsque le Prince est arrivé chez moi, croyant, disait-il, y trouver M. Conneau. Il venait me demander je ne sais plus quoi et comment j’allais ; de fil en aiguille, nous nous sommes mis à causer assez gentiment, il m’a versé une tasse de thé, puis il s’est approché de mon lit en me tendant la main et me disant : « Faisons la paix. » Je l’ai embrassé tendrement en lui reprochant d’avoir pu croire que je machinais contre lui avec qui que ce fût au monde. « J’avais été absent si longtemps, les absens ont tort, » disait-il. « Pas près de moi, mon Prince, » lui ai-je répondu. J’étais si malheureuse de cette scène amère du matin que l’idée de retrouver quelque chose de son ancienne affection me causait un trouble extrême et me consolait presque...


La comtesse de Zeppelin à Mlle Masuyer.


Geiersberg, ce 11 octobre 1837.

Je suis tout abattue encore de notre pénible cérémonie de ce matin. Hélas ! que ce douloureux événement va laisser pour