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anarchie, prurit verbal ou paroxysme d’agitation, n’a pas seulement pour ennemis ceux qui veulent ne lui laisser rien, mais ceux qui veulent lui donner tout ; les uns et les autres se font, de ce qu’il peut et de ce qu’il doit être, l’idée la plus erronée. Dans sa règle et dans sa loi, originairement et essentiellement, le régime parlementaire est un système de gouvernement, par séparation, par relation et par équilibre, on disait jadis des pouvoirs publics ; mieux vaut dire des organes et des fonctions de la vie politique d’une nation. Dans sa règle et dans sa loi, le régime parlementaire est un système de gouvernement à soupapes et à contrepoids, agencé pour empêcher qu’aucun de ses organes n’excède sa fonction, ou, — afin de ne pas mêler les deux séries d’images, — qu’aucune de ses mécaniques ne se meuve hors de son plan.

« Il faut que chacun soit à sa place, disait à peu près de même M. Accambray ; à commencer par le gouvernement ; » oui, mais à continuer par le parlement, par les commissions, par les députés ; ce n’est pas être à sa place que de vouloir être à toutes les places. Le droit de « contrôle » est un droit primitif et imprescriptible du parlement, ce n’est pas douteux ; mais il ne peut s’exercer que dans de certaines limites et dans de certaines formes ; sinon, il n’y a plus de régime parlementaire, il y a le gouvernement des assemblées ou d’une assemblée ; le régime de la Convention et, l’on est bien obligé d’y revenir, du Comité de salut public. Sans doute, c’est une question de mesure ; mais la mesure n’est guère la vertu d’assemblées nombreuses et, par leur origine même, toujours un peu tumultuaires. La théorie, l’histoire, le bon sens s’accordent pour fixer les limites-et arrêter les formes de ce contrôle : le régime parlementaire, normalement construit et conduit, n’est que la combinaison par laquelle on s’est efforcé à la fois de l’assurer et de le contenir.

En résumé, le régime parlementaire consiste en ceci, qui est simple, au moins à écrire : que chacun fasse ce qu’il a à faire, que nul ne fasse que ce qu’il a à faire. Que le gouvernement gouverne, que le parlement examine, propose, discute, approuve, blâme, autorise, repousse, légifère. C’est un vaste champ ; ce sont deux vastes champs : mais chacun ne doit labourer que le sien. S’il y a empiétement, confusion, désordre, faiblesse, ni le parlement ni le gouvernement, aucun des deux n’est sans reproche ; l’un d’eux n’empiète que parce que l’autre cède. La défaillance appelle l’usurpation. On voit avec crainte, et l’on n’a pas tort, que la Chambre des Députés, sinon le Sénat, siège trop longtemps et trop souvent. Mais si, au mois de juillet 1915, le