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du contrôle : introduite modestement, d’une main gantée, et comme à pas feutrés, elle pourrait, si on la laissait développer tout ce qu’elle est capable de contenir, devenir capitale c’est-à-dire une question de vie ou de mort. Au fond, sous le voile léger des restrictions et des atténuations, il n’y va de rien de moins que des rapports à deux du gouvernement et du commandement, d’une part ; d’autre part, des rapports à trois du gouvernement, du parlement et du commandement, le parlement faisant le coin, fendant le bloc et s’intercalant par des commissaires. Moins audacieux, moins agressif qu’à l’ordinaire, M. Accambray a pris un soin extrême de paraître ôter à son langage tout venin et même toute amertume. Il a tendu à M. le ministre de la Guerre la coupe de ciguë avec une douceur engageante, se contentant de demander : « 1° Par quels agens de contrôle seront examinés les marchés passés par l’administration de la Guerre pendant la période comprise entre le décret du 31 août 1914 et celui du 2 janvier 1916, relatifs l’un et l’autre aux attributions des fonctionnaires du contrôle de l’administration de l’armée ? 2° Le ministre de la Guerre est-il résolu à exercer, de sa seule autorité, son contrôle aux armées, en y envoyant, en missions inopinées, des fonctionnaires du corps de contrôle ? »

Voilà le texte : il semble correct ; à peine s’il en faut détacher cette incidente : « de sa seule autorité, » qui veut en dire infiniment plus qu’elle n’en dit. Jusqu’ici, ostensiblement, ouvertement, ne sont en cause que les fonctionnaires du corps de contrôle ; des fonctionnaires, des subordonnés du ministre. Si donc ils sont envoyés aux armées, c’est le ministre qui les y aura envoyés ; ils y seront ses délégués ou ses commissaires à lui, et c’est à lui qu’ils rendront compte ; de leur départ à leur retour, ils auront agi par lui et pour lui. Rien de plus régulier, et peut-être rien de plus heureux. Mais où le sophisme se greffe et s’articule, c’est lorsque M. Accambray superpose à ce contrôle administratif, à cet acte du ministre vérifiant par ses délégués comment ses instructions sont exécutées, le contrôle parlementaire, l’acte du parlement envoyant voir comment le commandement se conforme aux desseins du gouvernement. La conclusion dépasse singulièrement les prémisses ; et il est étrange qu’aboutissant là, M. Accambray ose dire dans le même instant : « Il ne suffit pas, en temps de guerre, que chacun fasse tout son devoir et se donne tout entier au pays : il faut encore que chacun soit à sa place, à commencer par le gouvernement. » Et le parlement, ne faut-il pas qu’il soit à la sienne ?